Le site Grioo.com vient de franchir le Rubicon en se retirant "vaillamment" sous sa tente. Pour le grand bonheur ou malheur de grionautes, la feuille de chou virtuelle a décrété que « Dieudonné ne fera plus l'objet d'article sur ce site, et les réactions seront verrouillées sur les articles existants » dans un édito fleuve (28/07/08) signé Hervé Mbouguen, un des co-fondateurs du site. Une mise au point qui intervient après que l’humoriste ait fait l’objet, encore une fois, d’une campagne de presse particulièrement houleuse au sujet de l’affaire désormais célèbre du « parrain », selon laquelle, Jean Marie Lepen serait le parrain de sa fille récemment baptisée. Une « rumeur ?», une « info ? » ou une « stratégie de COM » pour son nouveau spectacle (j’ai fait l’con) » aux dires de l’intéressé ?. En tous les cas, rien ni même le sketch de l'humoriste en guise d'explication n'a pu dissiper les doutes autour du buzz. Mais celui-ci a eu l'effet d'une véritable bombe, jetant une suspicion autour de l’athéisme autoproclamé du bouffon et alimentant de surcroît les accusations d’antisémitisme.
Dans le chapelet des affaires ayant secoué l’humoriste, « l’affaire du parrain » s’apparente sans doute à la goûte de trop, « un coup de Jarnac », aux yeux de certains pour qui Dieudonné a véritablement dépassé les bornes tout en abusant en plus de leur confiance. De quelle confiance s’agit-il ? On peut supposer, parmi les multiples affaires concernant l’humoriste, de l’affaire Fogiel aux déclarations à Alger sur les commémorations de la Shoah, qu’une relative neutralité, mi-figue mi-raisin, semblait dominer leur traitement médiatique dans les rédactions afro. Des médias classiques (presse, radio) aux nouveaux médias (Site Internet, blogs), le son de cloche oscillait entre la défense ouverte et la condamnation sans appel. En 2004 le site afrikara.com, non alimenté depuis quelque temps, saluait au sujet de son spectacle au Zénith, dans un article à la limite de l’hagiographie, le « triomphe du Rire, Sommet de la Satire sociale, Quintessence de la critique des Lumières ». Avant d’ajouter « (…) notre rédaction se fait foi de soutenir encore et toujours les diverses initiatives marquées par la quête de davantage de justice, d’équité… ». Il se désolidarisera quelques années plus tard. France Ô, chaîne de la diversité, consacra par exemple, au moment de l’agression de l’humoriste en Martinique par deux jeunes israélites en mars 2005, presque un quart d’heure à l’événement dans une même édition, contrastant avec le silence médiatique assourdissant des grandes chaînes généralistes nationales qui n’avaient diffusé que quelques communiqués. Africa N° 1, à travers quelques émissions consacrées à l’enfant terrible de la scène française, avait fait entendre sa partition tout en pointant du doigt sa relation adultérine avec l’extrême droite française. Certains animateurs journalistes avaient particulièrement mouillé leur chemise à l’image de Claudia Siar officiant sur RFI, avant d’en essuyait les frais. D’autres, en revanche, avaient brillé aux abonnés absents à l’instar de Serge Bilé qui sur le plateau d’Arrêt sur image en mars 2005 s’en était désolidarisé, bien qu’il ne faille pas oublier les combats de ce grand journaliste, peut être le plus talentueux de tous. Afrik.com, fidèle à lui-même, demeura une caisse de résonance virtuelle au brouhaha médiatique des médias nationaux français. Pour Africamaat.com qu’on ne présente plus, son soutien au franco-camerounais n’a jamais souffert d’aucune nuance comme en témoigne ce chapeau « L’agression dont a été victime Dieudonné en Martinique a soulevé l’indignation de la population. Aimé Césaire, Garcin Malsa, Francis Carole (etc.), Africamaat et Dieudonné : "Même combat : le respect de la mémoire de nos ancêtres !" ». Dans la même veine, on peut citer Thotep, B world connection, Kemmiou (ex-Black de France.com), Afrostyly.com… La chaîne 3A télésud entonna aussi son refrain en taillant toutefois un costume sur mesure au pince-sans-rire de l’espace public hexagonal. Quant à Trace Tv, c’est l’une des rares chaînes a avoir invité le comique au sujet de son nouveau spectacle dans l’émission Raï connection.
Grioo.com n’est pas le premier média afro se targuant de jouer les nettoyeurs des écuries d’Augias concernant les polémiques de Monsieur Mbala Mbala. Afrikara.com dans un article en forme d’adieu en date du 20/02/2007 sur sa condamnation sur ses propos tenus en 2003 au magazine Lyon Capitale, après l’avoir ouvertement soutenu même aux heures les plus difficiles, finit par lâcher le morceau suivant : « Il demeure que l’image du vrai faux humoriste qui dit ne plus faire de politique tout en balançant à la moindre occasion des communiqués de presse, tentant de se placer en médiateur national autoproclamé sans oublier de remplir son théâtre -normal-, s’est beaucoup dégradée depuis ses récentes tribulations. Entre la Palestine, le Code noir, la position contre la loi Taubira, Le Pen, Sevran, l’Anti-diabolisation comme nouveau cri de ralliement, les premiers soutiens, des plus fervents, savent gré à Mbala Mbala de ce qu’il a pu faire -ou que l’on pourrait un peu hâtivement lui attribuer-, mais au mieux s’interrogent sur une stratégie qui fleure chaque jour davantage l’équation personnelle.
Les causes apparentes, que beaucoup plus que lui-même ont pu dédier à Mbala Mbala [qui est au moins clair sur le fait qu’il est anticommunautariste, anticommunautaire, contre les communautés], passeraient désormais pour un portefeuille opportun de cartes stratégiques permettant à l’amuseur public de se maintenir dans le champ médiatique au gré l’actualité. Avec une certaine réussite personnelle d’ailleurs. Mais à quel prix et jusqu’à quelle échéance ? ». Le contenu de ces lignes en dit long sur une possible déception, un agacement certain devant l’éparpillement, voire l’égarement présumé du franco-camerounais. De changement brusque de posture de l’antiraciste d’hier à celle aujourd’hui de bigot à l’égard de l’ex-borgne de St Cloud. Il va de soi que cette bigoterie frontiste, pour déroutant, incompréhensible, qu’elle soit, pose moins de questions d’ordre philosophique, psychanalytique, voire métaphysique que d’ordre matérialiste pour les médias afro ?
Pour les médias afro et les journalistes, il s’agit plus d’une question de survie dans un environnement politique et intellectuel miné, voire pollué où il vaut mieux éviter les liaisons déclarées dangereuses par l’intelligentsia méditico-politique. Dans un deuxième temps, jusqu’où il est possible de soutenir les fracas, les sorties à « haut risque professionnel » d’un homme devenu tricard ? Quel est le sens de la lutte « communautaire » d’un Dieudonné face au système ? Quelle stratégie adoptée face à un homme déroutant dont la relation avec le leader frontiste désarçonne parfois le plus zélé des sympathisants ? Quelle est la finalité de tout ça ? Dans sa vie de « moine comique », Dieudo n’a-t-il pu trouver que Jean Marie LEPEN, comme seul personnage public avec qui copuler intellectuellement, politiquement et humoristiquement ? Comment l’anticommunautariste arrive t-il à supporter les éructations lepénistes puantes du style « la France aux Français » ? .