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samedi, mars 26, 2011

La colère de Mahamat-Saleh Haroun : le cinéaste dit adieu au Fespaco

Dans cet entretien fleuve qu'il a accordé au magazine "Africultures", le cinéaste tchadien, visiblement agacé par tant d'amateurisme, aussi bien au niveau de la gestion logistique des professionnels qu'au niveau de la conception d'un tel événement, hurle sa colère qui n'est pas prête à s'apaiser.


"C'est le dernier Fespaco auquel j'assiste"

entretien d'Olivier Barlet avec Mahamat-Saleh Haroun

Nous voici à la fin du Fespaco 2011. Vos déclarations durant cette semaine ont provoqué de multiples réactions. Quel bilan tirez-vous maintenant de cette édition ?

On peut encore une fois regretter l'amateurisme de l'organisation, avec toujours ces problèmes récurrents de chambres d'hôtel. Alors que l'organisation nous avait annoncé qu'on allait être logés à l'hôtel Indépendance, cela n'a pas été le cas. Nous n'étions pas attendus. Il a fallu aller dans un autre hôtel, mais là aussi, pour ce qui me concerne, mon nom ne figurait pas sur la liste. L'équipe chargée de l'hébergement a promis de régler mon cas dans les heures qui suivaient. Un coup de fil devait me dire à quel hôtel je devais loger. Ce coup de fil, je l'attends toujours… Il a donc bien fallu que je me débrouille par mes propres moyens. A ce manque de respect au cinéma et aux cinéastes, s'ajoute la médiocrité de la sélection, avec des films qui n'ont rien à faire là ni dans d'autres festivals, des films qui nous ramènent dans les années 70, selon Souleymane Cissé. On a assisté une fois de plus à une incurie qui fait que des cinéastes invités n'ont pas reçu leur billet. C'est le cas de John Akomfrah, qui devait présider le jury du prix Paul Robeson des films de la diaspora, ou bien des jurés du Prix Fipresci qui ont été, eux aussi, oubliés… Nous avons combattu auprès de la Fédération africaine de la critique depuis une dizaine d'années pour que ce prix existe, qui était d'abord refusé car il n'était pas doté d'un prix en espèces. Et quand finalement on débouche sur un jury, il ne reçoit pas ses billets et ne peut se rendre à Ouaga. Et personne ne s'en émeut, pas plus qu'on ne présente des excuses… Troisième problème : des films, programmés pour la compétition et projetés au jury, sont, in fine, retirés de la compétition sous prétexte qu'ils étaient en copie numérique. On se retrouve dans une répétition des choses, comme une maladie incurable, comme si rien ne pouvait bouger en 41 ans d'existence du festival. Beaucoup de cinéastes le redisent d'année en année mais n'osent pas l'exprimer tout haut. Je l'ai fait dès mardi soir : c'est le dernier Fespaco auquel j'assiste. Dorénavant, mes films ne seront plus en compétition. Si on ne dit pas les choses publiquement, il n'y aura pas de débat. Si je parle, c'est pour qu'on essaie d'améliorer les choses. Je sais qu'aucune œuvre humaine n'est parfaite, mais il y a tout de même une limite au tolérable… On est face à un corps inerte, le Fespaco, qui a besoin d'électrochocs pour se réveiller.
De nombreux palmarès du Fespaco ne nous représentent pas. Nombre de films primés ici n'ont connu aucune reconnaissance internationale. L'Union européenne l'a bien compris : alors que jusqu'à présent, son prix était décerné par le jury officiel, pour cette édition, elle a préféré mettre sur pied son propre jury. En effet, il y a deux ans, son prix avait été attribué à un film dont les qualités étaient plus que douteuses. En 2009, le Fespaco avait cru innover en instituant le prix de la meilleure affiche. Je crois que c'est le seul festival de cinéma au monde qui décerne le prix de la meilleure affiche. Or, Un festival comme le Fespaco est fait pour éclairer le reste du monde sur ce qui se fait d'exigeant dans notre cinéma, et nous aider à exister sur le plan international, mais si le Fespaco se transforme en une sorte de Titanic où l'on s'autocongratule dans la médiocrité, il ne répond plus à mes attentes. Cela fait seize ans que je viens et j'arrête là.

Si la dimension cinéma était mieux prise en charge, les questions d'hôtels ne deviendraient-elles pas plus relatives ?

Absolument. En septembre 1997, nous avions créé la Guilde car nous avions été confrontés à ces mêmes problèmes : nous n'avions pas de chambre et avions passé la nuit autour de la piscine de l'hôtel Indépendance, à discuter jusqu'à six heures du matin. Aujourd'hui, les mêmes choses semblent se répéter !
Les petits problèmes accessoires prennent une dimension énorme quand les choses s'accumulent. Le ministre de la Culture, dans son discours d'ouverture au stade, n'a pas cru bon de parler de cinéma, mais de spécialités culinaires du Burkina, à savoir le poulet bicyclette et le poulet au rabilé. Je sais que le ministre de la Culture est aussi celui du Tourisme, mais le Fespaco est d'abord une fête du cinéma. Ce festival respecte-t-il vraiment le cinéma ou bien est-ce simplement une fête populaire où l'on vient pour le soleil et les millions distribués en prix spéciaux ? Faut-il continuer à accepter cela à cause d'un essentialisme qui nous serait propre ? Il y a là une comédie sociale proprement africaine, ancrée dans notre tradition, où la solidarité entre cinéastes est absente. Et nous cautionnons ce spectacle pas notre seule présence. Il me semble qu'on ne pense plus le cinéma ici, et si on ne pense pas notre cinéma, il est difficile de le porter quelque part et d'échapper au ghetto dans lequel nous sommes enfermés. On devient de purs fabricants d'images. Au Burkina, depuis qu'Idrissa Ouedraogo ne tourne plus, il n'y a plus de cinéma.

La réponse de la Guilde n'était-elle pas de développer la solidarité ?

Oui, mais la solidarité s'arrête où commencent les ego. Il faut dire que dans des cinématographies sans financement, on ne peut être fort individuellement qu'en développant sa singularité. On est face à des guichets qui nous prennent tous de la même façon, comme de pauvres cinéastes à aider. Or, s'il y a quelque chose à sauver, ce n'est pas "le cinéma africain", qui n'existe d'ailleurs pas, mais des visions de l'Afrique par différents auteurs africains. S'il n'y a pas de vision, notre horizon restera le seul Fespaco et on n'en sortira pas, si bien que notre cinéma sera de plus en plus marginalisé puisque sortant d'ici, il cheminera de festival en festival "ethnique", les "festivals de cinéma africain". On naît marginal, et on termine marginal. Aucun cinéaste qui se respecte ne rêve de cela.

Un festival comme Cannes combine d'une part les paillettes médiatiques entretenant le mythe du cinéma et d'autre part la défense de la qualité de la programmation. Ces deux dimensions sont essentielles pour accompagner le grand public vers un cinéma d'éveil, et le Fespaco joue lui aussi sur ces deux aspects, mais une évolution est sensible, marquée cette année par le thème du marché comme focus de cette 22ème édition, et qui ouvre de plus en plus la sélection à des films dits "populaires", au sens où ils sont susceptibles de toucher un large public.

Oui, mais le problème reste un problème de pensée. On voit des films dans cette sélection où les comédiens sont mal dirigés et où les choses sont caricaturales : veut-on nous dire que le public africain est à ce point crétin qu'il faut descendre au degré zéro du cinéma pour faire des films populaires ? Dans l'histoire du cinéma, le cinéma populaire n'est pas synonyme de médiocrité. Je considère mes films comme populaires dans la mesure où l'art est fait pour élever le niveau et non le rabaisser. On permet à des spectateurs de se poser des questions et le but n'est pas de les ramener au plus bas niveau.
Le thème de cette année était "Cinéma africain et marché". Existe-t-il vraiment un marché ? La réponse est non,. Alors, de quoi parle-t-on ? C'est aussi cela, cette hypocrisie qui me pousse à dire que je ne vais plus participer à ce qui ressemble de plus en plus à une farce. Cette comédie sociale est malheureusement la réalité de l'Afrique. La parole publique chez nous est devenue essentiellement mensongère. Elle ne questionne plus le réel. On promet aux gens sans même y croire (qu'on va revenir, qu'on va lui téléphoner, etc.). C'est dans le but de calmer, d'apaiser. C'est une parole de lien social mais ce n'est pas une parole crédible. Quand on met en scène cette parole artificielle, on arrive à cette caricature qui fait rigoler le public, comme s'il fallait se mettre à son niveau, supposé bas. Et si on fait un cinéma différent, on nous reproche de le faire pour d'autres. Comme l'a suggéré Sartre, dans Qu'est-ce que la littérature ?, on fait les oeuvres pour une famille potentielle qui partage la même sensibilité que nous. On ne fait pas un film pour les Noirs ou pour les Mossis, mais parce qu'on est unique par son histoire, sa mémoire, sa sensibilité, ses traumatismes personnels. On ne peut être porteur que de sa vision, qui peut s'adresser à des gens de partout qu'on ne connaît pas. Cela pose la question de la liberté de l'artiste : pouvoir avoir sa voix singulière dans un continent qui se veut communautariste.
Après mes déclarations sur RFI, j'ai reçu des félicitations de partout : une parole libre marque. Ma liberté vient sans doute du fait que je me suis construit tout seul, que j'ai quitté mon pays sans rien dire à mes parents, que je me suis battu pour me débrouiller, ai travaillé de nuit pour payer mes études pour décider de mon avenir sans qu'un adulte ou un grand frère ne le détermine pour moi. Si on n'est pas comme la communauté, comme l'ensemble, on nous traite de Blanc. La communauté pense le monde en opposant les Noirs et les Blancs, ce qui relève d'une méconnaissance des autres civilisations. Si on connaissait les autres univers, les autres philosophies, on ne passerait pas son temps à traiter de Blanc tout individu qui se veut différent. Toute discussion sur le cinéma africain s'inscrit dans cette dualité, un mur contre lequel on se cogne en permanence sans vouloir ou pouvoir en sortir.

Cette dualité fut cependant au départ imposée par le Nord.

Oui, mais on peut en sortir par la connaissance profonde de sa culture et la volonté d'élargir son horizon. Quand on se rend compte de ce piège, on devrait se battre pour y échapper et refuser de s'y laisser enfermer. Si on s'y complaît, c'est qu'il y a un problème.

Je pense à "Afrique sur Seine" de Paulin Soumanou Vieyra, considéré comme le premier film d'Afrique noire, qui défend une égalité possible entre Noirs et Blancs. Cette revendication d'avoir sa place dans le monde à égalité avec l'Autre est très présente dans les premiers films. La volonté de se revaloriser par des actes qui paraissent souvent bien dérisoires ne participe-t-elle pas d'un désir d'arriver à cette position ?

Oui, absolument, mais tout le problème est justement de partir de ce désir d'être égal à l'Autre car cela relève d'un complexe. On prend le point de vue de l'Autre et on cherche à lui démontrer que l'on est son égal. Ce complexe est fondateur d'un certain type de cinéma qui se perd dans ses intentions au lieu de nous raconter le monde d'un point de vue original qui nous touche et nous émeut.
Pour ma part, je refuse d'entrer dans cette dialectique. Je veux être moi-même et assumer mon histoire, en tant que fils de colonisés. Cette histoire ne peut pas être un frein mais doit être une richesse, une force.

Effectivement, c'est rare, surtout dans la sélection 2011 du Fespaco.

Oui, c'est rare et c'est bien dommage. Ceux qui se dépêchent de tourner en numérique en vitesse six mois avant le Fespaco pour y être présent ne rendent pas compte d'un désir de cinéma. C'est un cinéma alimentaire… Alors qu'il existe des festivals importants pour l'Asie et l'Amérique latine en France, il n'y a jamais eu un festival de cinéma africain digne de ce nom. Pourtant, c'est la France qui finance en grande partie ce cinéma. Comment expliquer cela ? Il a fallu que Dominique Wallon consacre sa retraite à faire à Apt le plus important festival de cinéma africain, avec un regard subjectif assumé, et cela ne dure que depuis huit ans. Il est étonnant de constater que dans le pays qui a financé le cinéma africain, il n'existe pas une manifestation où les cinéphiles peuvent en voir les œuvres essentielles. C'est un fait. Ce cinéma se marginalise de façon structurelle. Ce n'est pas le cas de la musique africaine qui se débrouille mieux, sans doute parce qu'elle n'est pas sous perfusion.

L'exemple de la musique est intéressant : la worldmusic se métisse pour parvenir à passer les frontières tandis que la musique traditionnelle ne les passe que pour des rares initiés. Au niveau du cinéma, faut-il parler de repli géographique et identitaire ?

Oui, on s'enferme car on se sent incompris, et cela car on n'est pas au diapason de ce qui se fait. Si on allait au cinéma voir les œuvres venant d'autres parties du monde, si on s'ouvrait au monde sans peur et sans complexe, on sortirait sans doute de cette médiocrité. On se replie sur le biberon tété dès l'enfance en pensant que c'est toujours la responsabilité des autres. On ressort l'esclavage et la colonisation en pensant qu'on est haïs tels qu'on est, alors que ce sont des discours qui sont faits à seule fin de souder la communauté mais ils cachent en réalité de grandes défaillances. Notre cinéma n'aime pas trop les auteurs singuliers. On reproche à ceux qui ont sorti la tête de l'eau d'avoir une accointance avec l'Occident : ils seraient traîtres à leur cause et ne seraient plus de vrais Africains.

Le discours officiel s'appuie souvent sur ces idées pour s'affirmer, ce qui pose la question au niveau du Fespaco qui est directement géré par le ministère de la Culture et l'Etat burkinabé.

C'est effectivement le problème du Fespaco. Il faudrait passer à autre chose. Ce festival d'Etat est un paquebot qui ne bougera pas, car les fonctionnaires n'ont pas le cinéma comme préoccupation immédiate. La rupture que je souhaite ne pourra plus être portée par la Guilde qui a implosé, si bien que je doute qu'une vingtaine de cinéastes conscients se lèvent pour refuser en 2013 de participer à cette mascarade et dénoncer l'incurie dans laquelle travaille ce festival depuis de longues années. Une vingtaine de cinéastes marquants suffiraient pour que le festival n'ait pas lieu mais pour cela il faut vingt consciences. Je ne suis pas convaincu qu'il y ait vingt consciences qui soient prêtes à renoncer aux prix attribués. Ce festival d'Etat joue avec la misère des cinéastes. Quand on vend sa propre misère, on perd sa dignité. Or, la dignité est à la source de mon travail de cinéaste. C'est la dignité que je filme dans toute mon œuvre. Si on la perd, on ne peut mener les combats qui se profilent. Sinon, on peut passer sa vie à s'asseoir sur des bancs à boire du thé comme l'a montré Abderrahmane Sissako dans La Vie sur terre, en bougeant de place en fonction de l'ombre portée. Le Fespaco devient de plus en plus déprimant : il n'y a pas d'espoir que les choses bougent puisque c'est ailleurs qu'on découvre les travaux importants. Il n'est plus un lieu de choc cinématographique. Je vais dans les festivals pour prendre des claques mais on ne peut plus l'espérer ici. Pourquoi parader dans cette vanité ? Cela part d'un profond sentiment humilité et du désir d'apprendre et de découvrir.

Cette rupture, radicale s'il en est, la Guilde n'avait-elle pas essayé de la mener, de façon plus positive, en instaurant un lieu de projections et en développant les débats au sein même du Fespaco ? Etait-ce en contact avec l'institution ?

Oui, les contacts existaient et on apportait un peu d'air frais. C'était un endroit où on programmait des films importants, pas seulement africains, car ils posaient la question du cinéma. On a eu une bonne écoute de la part du Fespaco. Quand nous avions fait cette proposition, cela avait plu car cela apportait une nouveauté, mais nous n'avions pas tous la même vision de la Guilde. Les frustrations des uns, les petites intrigues des autres ont fini par vaincre notre volonté de faire quelque chose. Nous avions même pensé trouver un terrain et construire une salle à l'instar de celle de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes pour avoir une salle digne de ce nom qui puisse fonctionner toute l'année. Mais pour mener à bien un tel projet, il nous fallait partager des convictions solides, et nous étions très différents. Les membres de la Guilde étaient disparates aussi bien dans leur cinéma que dans leurs discours et cela ne conduisait pas vers un objectif commun. Cela dit, tout projet de renouvellement est limité par la structure même du Fespaco. Ce côté fonctionnaire fait qu'on gère plutôt que d'aller chercher les films. On se déplace dans de grands festivals mais on ne demande pas leurs films aux cinéastes : on attend qu'ils viennent d'eux-mêmes. On ignore le désir de montrer ce qui se fait de bien, d'exigeant. Sinon, comment expliquer l'absence à cette édition d'un film comme Viva Riva du Congolais Djo Munga ?

L'entretien que m'avait accordé en 2009 Michel Ouedraogo, délégué général du Fespaco, portait notamment sur son souhait de développer l'autonomie du festival vis-à-vis de l'Etat. On comprenait dès lors que toutes les critiques concourraient finalement à renforcer cette revendication, mais les choses ne semblent pas avoir évolué sensiblement.

Non, pas du tout. A la tête d'une telle organisation et ancien journaliste, il pourrait développer une campagne de communication pour redonner au Fespaco un nouveau souffle. Le risque est que des alternatives se développent, plus convaincantes car le cinéma sera au centre et non des intérêts touristiques ou politiques puisqu'en définitive, au Fespaco, on célèbre d'abord l'Etat organisateur.

La sphère anglophone, du Nigeria à l'Afrique du Sud, ne rêve-t-elle pas de telles alternatives ?

Effectivement. Cela fait longtemps qu'on demande, par exemple, le sous-titrage électronique qui permettrait aux Anglophones de suivre les films francophones. Personne ne s'en soucie. On investit dans le siège du Fespaco mais on oublie de rénover les salles. Cela correspond plus à la politique des sapeurs congolais : le costard-cravate ou le grand boubou pour la parade. Alors qu'il serait urgent de former les projectionnistes et lutter contre ce qu'il faut bien finir par appeler une incompétence généralisée.

N'y a-t-il pas des perspectives à développer, des points d'action qui capitalisent ce que porte le Fespaco avec son passé ? Il y a quand même ici un profond fait historique.

Oui, on ne peut le nier. Mais on se complaît dans une vision qui ne remet jamais en cause les œuvres des pionniers. Sembène est placé au sommet de notre cinématographie dans une sorte de tradition qui fait qu'on ne questionne pas l'aîné comme s'il était un cinéaste parfait… Il faut revisiter et questionner ce passé, avec toute la subjectivité nécessaire pour avancer. Sans prétention, il n'y a pas d'art majeur. Sans ambition, il n'y a pas de grandeur envisageable.


Ouagadougou, le 5 mars 2011

Africultures

jeudi, février 24, 2011

Toi, moi les autres, de Audrey Estrougo

Une banale histoire d’amour. Un gosse de riche englué dans une vie bien rangée tombe amoureux d’une fille de la « téci » comme dirait les jeun’s. De la soupe cinématographique servie de surcroît avec plein de bons sentiments. Puisque le film se veut aussi un plaidoyer contre les expulsions d’Africains. Comme si la légèreté de la vie du franchouillard devait se conjuguer avec la gravité de la vie des métèques. Ceux que certains français considèrent toujours comme des étrangers venus manger le pain des Français. Et comme tout le monde le sait, les seules images des noirs et des arabes dans la tête d’un français : les premiers sont des "sans papier miséreux" et les seconds des minoritaires en galère et vindicatifs. Nous sommes au 21ème siècle, les cinéastes français manquent toujours d’imagination lorsqu’il est question d’enfants d’immigrés. Y-a-t-il des raisons à cela ? On peut en esquisser quelques unes.

Peut être que ceux qui pensent ces films sont d’abord des élus des beaux quartiers qui ne voient la banlieue et ses indésirables immigrés qu’à travers le prisme des clichés télévisuels. Ou encore leur vie est tellement pauvre en sensations que de temps en temps ils se voient obliger d’intégrer des personnages immigrés sans relief pour une histoire de subventions. Parce que c’est à la mode en ce moment. Un peu comme plus belle la vie. La fiction qui cartonne sur France 3 et qui fait jouer des comédiens issus de la diversité. En tout cas je me pose des questions ?

Revenons à notre film du jour. Deux personnages portent ce film. Il y a d’un côté, la beurette qui incarne le personnage de Leïla (leïla Bekhti), et de l’autre Gab (Benjamin Siksou), le beau jeune homme ténébreux qui va succomber au charme de cette dernière. Jusque là tout va bien. La beurette veut devenir avocate, alors que le beau Gab en pleine fiançailles prépare son mariage dans la plus grande insouciance. Jusqu’au jour où il croise le regard de Leïla dans une rue de Paris. Il vient de renverser le petit frère turbulent de sa future dulcinée. Et c’est le coup de foudre. Une rencontre peu banale, mais le reste du film va se banaliser jusqu’à se perdre dans une avalanche de clichés et de bons sentiments. Puisque Leïla n’est pas seule. Elle est avec les « autres ». Son père, son petit frère, son pote d’enfance qui rêve toujours de faire sa vie avec elle, et surtout son amie « Tina », une africaine sans-papier sous le coup avec sa fille d’une expulsion.
Nous sommes donc en plein « oui-ouisme » dont parle Zemour, même si je n’apprécie pas les prises de position de ce polémiste. Tout le monde est beau, tout le monde est gentil. Liberté, égalité, fraternité.
Comme si cette banale histoire d’amour qui d’ailleurs tend à se banaliser dans le show biz français avait besoin d’un peu de gravité. Comme si les états d’âme de la réalisatrice et sa co-scénariste se parfumaient un peu d’humanité à peu de frais. Non non. Il faut arrêter avec ça. Salon de coiffure afro grouillant de « personnages bavards », travello beur excentrique (depuis chouchou de Gal Elmaleh), grosse mama africaine au sourire niais, jeunes de banlieue désœuvrés au coin des rues etc. et puis arrive le beau, le bon français qui vient faire de l’humanitaire sentimental (j’exagère un peu). Il est touchant, maladroit, ignore tout de la cruauté de son administration face aux faibles donc (les immigrés). Le « héros blanc » et les pauvres victimes immigrés. Franchement, c’est dégoulinant. Ensuite, le héros se rebelle contre sa société, sa famille, sa fiancée, il se découvre une fibre de militant. Enfin, soyons sérieux…

Oui les expulsions est un thème sérieux qui ne mérite pas d’être traité avec légèreté dans une comédie musicale, qui sous prétexte de gravité dans le bocal « tranquillou » du franchouillard s’offre un peu quelques couleurs. Mais alors dans quelles conditions et à quel prix ? Ce manichéisme est exaspérant. Ces figures de la pauvreté d’un côté et celles de la réussite de l’autre, il faut changer de disque. On aimerait presque que les gosses de riches devenus réalisateurs sortent un peu de leur bulle. Les descendants d’immigrés ne sont pas des éternelles victimes. Ce sont des gens qui se battent chaque jour, parfois au péril de leur vie pour survivre dans une société qui leur est à priori hostile. Et ils n’attendent pas la main tendue d’un « franchouillard » pour se sortir de la galère. Pour terminer, chapeau à Leïla Bekhti, très imposante dans le film. A elle seule elle remue la comédie, tandis que son compère très touchant, au demeurant, peine à assumer le film jusqu’au bout. Au final on passe du bon temps mais contrarié par le scénario peu abouti et politiquement naïf. Allez Audrey il y a du boulot encore !

Toi moi les autres, réalisé par Audrey Estrougo.

jeudi, mai 27, 2010

Afrique : 50 ans de pseudo-indépendances !



Afrique : il n'y a que le silence qui peut te rendre ta dignité

Afrique… pour ses fils sans conscience
Kemet… pour ceux qui ne veulent plus oublier
Afrique, à fric ou sans, n’est plus à frire
Sur les grilles du pacte colonial

Afrique, plus de cinq décennies de pseudo indépendance
Afrique, le bilan de tes fils indignes
De quoi suffoquer d’indignation !
Bilan ! Mais quel bilan…Celui
De ces vulgaires profiteurs sans foi ni loi
De ceux qui t’ont livré aux mercenaires
De ceux qui t’ont livré aux envahisseurs
De ceux qui continuent de maudire la terre qui les a vus naître
De ceux qui ont versé ton sang au nom de leurs lugubres missions
Afrique, c’est eux qui sont nus, mais c’est toi qui porte la honte

Afrique, j’entends ton cri
Que ton souffle de colère emporte
Démocraties fantômes et dictatures
Sans gêne qui font peur à tes enfants
Prêtant le flanc au chaos généralisé

Afrique, il n’y a que le silence qui peut te rendre ta dignité
Afrique, tu n’es pas morte malgré Tes blessures sans nombre
Afrique, tu n’es pas morte malgré les viols incessants de l’Occident
Afrique, tu n’es pas morte malgré la duplicité de l’Orient
Afrique, tu n’es pas morte malgré la convoitise des prédateurs
Afrique, tu n’es pas morte malgré une élite politique à la cruauté mentale inouie
Qui baigne dans l'opulence et le luxe insolent
Pendant que le peuple crève...

Afrique, il n’y a que le silence qui peut te rendre ta dignité
Afrique, tu n’es pas morte malgré les coups d’état,
Afrique, tu n’es pas morte malgré les désordres politiques chroniques,
Afrique, tu n’es pas morte malgré les détournements de deniers publics
Afrique, tu n’es pas morte malgré la corruption et les éliminations physiques
Afrique, tu n’es pas morte malgré toutes les horreurs expérimentées in vivo
Que te font subir les fils indignes...
Ceux qui t’ont livré aux violeurs et aux voleurs
Afrique, victime d’abus sans nombre, nous ne te méritons pas

Afrique, il n’y a que le silence qui peut te rendre ta dignité
Le verbe des malfrats de l’intérieur et de l‘extérieur
a tué la parole de tes dignes fils
Les mots des malfrats ont étouffé la voix de tes dignes fils
Lumumba, Sankara, Biko, Diop, j’en passe
Morts ou assassinés, leur souffle libérateur vit toujours
Plus que jamais…

Césaire Nganga

samedi, juin 27, 2009

CHRISTOPHE BARBIER EN REMET UNE COUCHE



"Ici est l'autre vérité que les Antilles, et presque tout l'Outre-Mer, doivent regarder en face : l'assistanat y est moins dénoncé que l'exploitation ; les délices de Capoue des aides publiques ne soulèvent que peu de critiques... Quand leurs concitoyens du lointain ont besoin d'aide, les contribuables de l'Hexagone ferment rarement leur porte-monnaie. Aux Français des tropiques qui veulent travailler à l'antillaise et consommer à la métropolitaine, rappelons qu'il faut labourer la terre arable pour qu'elle lève d'autres moissons que celle du songe et que, hors de la France, les Antilles seraient au mieux une usine à touristes américains, au pire un paradis fiscal rongé par la mafia, ou un Haïti bis ravagé par des "tontons macoutes" moins débonnaires qu'Yves Jégo..."

L’auteur de ces propos excrémentiels sur les domiens vient d’en remettre une couche. Au sujet de la mort du Roi de la pop, il déclare (voir vidéo ci-dessus) « attention, ce n’est pas Mozart qui est mort, c’est un antédiluvien. Oui on en fait trop ». La musique comme la couleur rouge de son écharpe est une affaire de goût. N’en déplaise à notre journaleux parisien, MJ était un grand artiste. L’hommage qui lui est rendu aujourd’hui est à la mesure de son talent, de ce qu’il a pu offrir à tous ceux qui se reconnaissaient dans son œuvre. Que Monsieur Barbier trouve à redire sur l’importante couverture médiatique concernant son décès, c’est son droit le plus absolu, mais de grâce qu’il nous épargne son avis sur la musique du King of Pop, Mozart ou pas Mozart ? Bon sang quel rapport ???
Il apparaît désormais clair que Monsieur Barbier analyse un peu trop l’actualité sous le prisme de sa barbe, à travers sa bulle parisienne. Or la bulle parisienne n’est pas le monde. S’il n’y avait pas la France, écrit-il, «les Antilles seraient au mieux une usine à touristes américains, au pire un paradis fiscal rongé par la mafia, ou un Haïti bis ravagé par des "tontons macoutes" moins débonnaires qu'Yves Jégo..." ». Si ce Monsieur était un grand journaliste, il aurait pu se renseigner un peu plus sur Haïti avant de nous pondre sa crotte sortie de sa bulle parisienne. Il aurait pu par exemple s’informer sur l’histoire de la première République noire. Ce Monsieur sait-il au moins qu’Haïti n’est pas devenu ce que les pères fondateurs voulaient en faire parce qu’il a continué à payer la révolte des esclaves jusqu’à aujourd'hui. L’ancien colon, n’ayant jamais digéré sa défaite, imposa à Haïti de payer une indemnité aux esclavagistes. Un dédommagement chiffré à 150 millions de francs or, mais que ce pays de nègres marons a honoré au prix de sa propre régression et destruction.

jeudi, mai 21, 2009

Le Professeur Théophile Obenga a-t-il pété les plombs ?

Dans sa livraison du 05 mai 2009, la Semaine Africaine, un des plus anciens hebdomadaires d’Afrique, étalait un portrait pour le moins étrange de l’homme fort du Congo signé, tenez vous bien, par un des disciples les plus en vue de Cheikh Anta Diop, le Professeur Théophile Obenga. Le Président Denis Sassou Nguesso : un nouvel épithalame pour le Congo. C’est le titre de ce billet qui se voulait un hommage à l’homme et à l’action du dictateur président. C’est peut être le plus pharaonique, dithyrambique des portraits jamais conçu dans les colonnes d’un journal du Continent en l’honneur d’un dictateur au pouvoir, par une des figures majeures de l’afro-conscience. Le conférencier de la « conscience noire » le plus écouté des salles parisiennes est-il devenu fou ? Comment expliquer un tel revirement de la part d’un homme qui jusqu’à présent n’a cessé de prêcher la Maât, un concept très prisé par les afrocentristes, qui n’est autre que le principe de l'équilibre du monde, de l’équité, de la paix, de la vérité et de la justice ? A mille lieux donc du modèle président de notre Professeur ?

Alors qu’une magistrate française, Françoise Desset, vient de juger recevable une plainte de l’Organisation non gouvernementale Transparency International France, en ordonnant une information judiciaire sur les propriétés, comptes bancaires et limousines détenus par Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo), Teodoro Obiang (Guinée équatoriale) et leurs proches, le plus respecté des pèlerins de la conscience noire vient subitement de se détourner du chemin qui l’a lui-même balisé en trente ans de carrière pour les jeunes générations. L’afrocentriste serait-il devenu un « affreux centriste » de la cause des présidents dictateurs ? L’éclaireur de conscience a-t-il définitivement éteint sa bougie de réhabilitation de l’homme noir ? En tout cas, l’hagiographie, qu’il vient de pondre pour Denis Nguesso dans la feuille de chou brazzavilloise, demeurera dans les annales du « reniement de soi », un modèle affligeant de conte-vérité. Son feu compagnon de route, l’éminent Cheikh Anta Diop doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe. Au grand dam de tous ceux qui ont cru à la bonne parole du professeur, celui là même qui écrivait récemment dans une contre-offensive antisarkozienne dans l’Afrique répond à Sarkozy, ces mots d’un réalisme visionnaire : « Quand un peuple, une nation, un Etat perd partiellement ou totalement sa mémoire culturelle, son sens historique, la conscience de sa civilisation, alors il perd, non moins dramatiquement, le sens du devoir dans l’histoire de l’humanité ». (…) L’espoir africain ne peut provenir que des Africains eux-mêmes, de leur sueur, de leur travail. Cet espoir africain confère le sens du devoir, lequel augmente le sens de responsabilité au vu des intérêts africains majeurs, vitaux. Il n’y a pas de civilisation sans devoir ni responsabilité ». Comble de l’ironie, sa muse de président est celui là même qui a érigé au cœur de la capitale de la France libre pendant l’occupation un somptueux monument de 10 milliards de FCFA (15 millions d’euros) à la gloire du colon Savorgnan de Brazza. Avec ce dithyrambe, on saisit peut être mieux les explications du phénomène colonial du Professeur.

Quelle mouche tsé tsé a donc piqué le docteur en linguistique ? Est-ce un retour aux sources tribales, à cette cuvette congolaise d’où il vient, qui le conduit à se comporter de la sorte? Les liens tribaux sont-ils plus forts que la Maât ? Il est vrai qu’Obenga est mbochi comme son président, tous les deux sont issus des régions du Nord du Congo-Brazzaville, cette proximité tribale peut-elle expliquer ce revirement qui s’apparente à un véritable coup de Jarnac ? En tout cas, sa plume n’y est pas allée de main morte comparant l’actuel dignitaire à un « twéré » comme il l’explique lui-même « un mot de l’idiome mbochi qui signifie tout à la fois sage, pondéré, attentif, méticuleux, réfléchi, serein et endurant ».

Après avoir savamment annoncé la couleur de son épithalame à la gloire du dictateur, le professeur enfonce le clou dans ce panégyrique digne du temps de Mobotu : « sa personnalité (en parlant de Sassou) est aussi faite de méthode rigoureuse, de détermination sinon de volontarisme. Il apparaît froid sévère, imperturbable et même imperméable. Cependant l’homme est profondément sensible, plein de compassion, généreux, affable, tendre et affectueux. Il sait pardonner, récompenser ou sanctionner avec clairvoyance et justice. Il relativise le mal qu’on lui fait, car il s’estime responsable numéro un du pays, et il ne doit que faire prévaloir l’intérêt général. (…)Comprenons. Quand la dite « bêtise humaine » manifeste « becs et crocs » avec une aveugle intransigeance, Sassou Nguesso, lui montre au contraire, au grand jour, l’ « intelligence humaine. (…) La position du twéré est historiquement la meilleure et la seule avantageuse pour le Congo ». Mais ce numéro de courtisan de l’intellectuel afrocentriste à la cour du dictateur ne s’arrête pas là.

Après l’avoir érigé en modèle de la Maât, il le pare ensuite d’oripeaux de sauveur en pleine crise économique à l’approche du scrutin présidentiel de juillet dont on sait d’avance que les dés sont pipés : « Les êtres humains vivent leur vie. La paix, la confiance en soi- ce que les philosophes appellent la « certitude de soi» et l’espoir sont des valeurs qui ne passent pas. Elles amènent le changement, mais elles ne s’altèrent point. Pour juillet 2009, tous les candidats à ce qu’il me semble sont, expérimentés, valables, dévoués, compétents et patriotes. Mais il y a ersatz et ersatz. Ainsi toute élection surtout une élection présidentielle requiert pondération, jugement et choix motivé. La ré-élection du Président Denis sassou Nguesso surtout en ces temps durs dans le monde entier serait encore le meilleur choix. Un magnifique nouvel épithalame pour le Congo ». Le tout emballé dans un discours sophiste, ronflant de termes savants pour le commun des mortels. A l’en croire, Sassou, c’est presque la manifestation du divin au Congo. Il y a de quoi suffoquer d’indignation au regard des trois millions et demi de congolais plongés dans le chaos indicible de la prédation des richesses nationales au profit d’un clan, d’une famille dont le train de vie dans les capitales occidentales laisse coi.

Il est vrai qu’en regardant le parcours, du modèle-président de notre Professeur, après 25 années passées à la tête du Congo (1979 à 2009, en excluant l’intermède de 5 ans de Lissouba de 1992 à 1997)), le sens du devoir et de responsabilité a été amplement au rendez-vous. Avec un taux de chômage des jeunes avoisinant les 80 %, presque tous les diplômés sortant du système scolaire congolais sont de chômeurs déguisés (occupant une activité informelle de survie, de débrouillardise) : ils sont chauffeurs de taxi, mécanicien, docker, crieurs de foula foula, vendeurs de babioles, parfois pasteurs dans les nouvelles églises. Alors que la capitale Brazzavilloise est l’une des mieux loties en Afrique en cours d’eau et sources, l’eau courante est quasiment un produit rare voire de luxe. Les congolais ne se lavent qu’à raison de deux jours par semaine dans un pays où les températures avoisinent les 40° C. Il serait trop long d’égrener cette liste de petites choses que recommande le bon sens avant d’évoquer celui du devoir ou de la responsabilité.

Lien http.www.lasemaineafricaine.com

mercredi, mai 20, 2009

L’image ne soigne pas les maux d’un Continent


Du 13 au 24 mai 2009 se tient le festival de Cannes, on peut noter une fois de plus la présence anecdotique du continent africain dans ce haut lieu du cinéma mondial. En effet un cinéaste seulement a eu la chance de représenter le Continent noir, à savoir le cinéaste malien Souleymane Cissé et son long-métrage Min-Yé – sélectionné hors-compétition parmi les six films en séances spéciales.


Marginalisé presque partout où se discutent les affaires du monde (du G20 à Cannes), le Continent noir semble se conforter dans son rôle de lanterne rouge dans tous les domaines, y compris celui de l’image, dans le paysage mondial. Expliquée par les désordres étatiques dus pour une large part aux pratiques de prédations des élites dirigeantes sur les richesses nationales, auxquels s’ajoutent les guerres fratricides et les putschs alimentaires des pseudo opposants aguerris à la politique du ventre, cette situation plonge dans lé désarroi une société civile africaine immature, totalement anesthésiée en quête de lendemains meilleurs.

Devant ce cul de sac auquel est acculé de gré ou de force les fils de Kemet, des voix s’élèvent pour réclamer à cor et à cri une présence du Continent noir dans les festivals de l’image. Encore de la pleurnicherie diront les plus pessimistes d’entre nous. Cette critique pour facile qu’elle paraisse interpelle à plus d’un titre, dans la mesure où l’image omniprésente, dans un monde entré depuis dans la vidéopshère, est devenue un paramètre symbolique de définition essentiel des sociétés modernes. Du coup on peut poser cette question sans doute légitime, quelle est la fonction sociale et politique de l’image d’un Continent dans ce type de manifestation mondiale ? Certains pourront toujours dire que c’est une façon de faire entendre sa voix. D’autres ajouteront que le savoir faire des artistes du Continent se doit aussi être connu. Mais c’est aussi se voiler la face.

La présence furtive du cinéma africain dans les écrans mondiaux est à l’image du Continent, malgré le talent et la diversité des artistes. La quête d’une présence sur les écrans mondiaux doit précéder cette réflexion : avons-nous les moyens de produire des images qui reflètent notre propre créativité et qui ne sois pas soumis à des injonctions extérieures ? Si aujourd’hui, certains artistes bénéficient de la générosité de la France, on peut se poser la question de leur autonomie et de leur liberté ? Des images oui. Pourquoi faire ? A quel dessein ? L’aide du ministère français des affaires étrangères aux artistes du sud est encore l’autre versant de la recolonisation des esprits. Finalement c’est difficile de s’en sortir sans l’ancien maître.

mercredi, avril 15, 2009

Plus belle la vie ou « poubelle » la vie des immigrés


"On est vraiment rien sans elle

Qu'on soit noir ou blanc
Si on tend la main pour elle
La vie est plus belle"


C’est avec de beaux sentiments sur la diversité que l’on produit de la stigmatisation de l’Autre. A l'image du refrain suscité débordant de xenophilie mais dénué de sens dans la réalité. Et c'est un épisode de ce feuilleton très regardé ,Plus belle la vie, diffusé le 08 avril, qui nous met la puce à l'oreille. Il mettait en scène un stagiaire nommé Dialo venu remplacer la jeune recrue NASRI qui a remis sa démission au commissariat du Mistral. Mais Dialo n’est pas un employé comme les autres. Il vient de Paris et arbore tout le temps un sourire niais. Le gentil noir en gros. En plus il préfère les bureaux plutôt que le terrain. Donc un bon fainéant. Le brigadier Boher censé l’accompagner dans ses nouvelles missions ne lui plaît pas non plus. Le pestiféré va donc retourner à ses chères études. En 2009, l’image du Noir est toujours malmenée en France dans les feuilletons télévisés qui plus est, sont diffusés en prime time. La faute aux scénaristes en mal d’inspiration ? A la réalité de la police nationale ? Au manque de comédiens noirs capables d’endosser de vrais rôles ? humm laissez moi en douter...

Soit ils sont invisibles, soit ils sont visibles mais à quel prix ? Les comédiens noirs campent souvent de rôles caricaturaux dans les films hexagonaux. Le constat ne date pas d’aujourd’hui, mais il semble même s’empirer. Ceci malgré que les appels de phare à la diversité se font légion.

Depuis le début de ce feuilleton, plusieurs personnages de couleur ont fait leur apparition disparaissant ensuite comme des éclaires le temps de deux ou trois épisodes. Sans papiers, jeune de banlieue, couple mixte etc…sont les rôles campés par les comédiens noirs. Rien donc de nouveau sous le soleil du Mistral qui a fait la part belle aux français bon teint dont la vie plus belle est agrémentée de petits malheurs du quotidien et des histoires à l’eau de rose. Un vaste programme qui réunit chaque jour de millions de téléspectateurs de tout âge. Affaire à suivre…

Question : pourquoi les producteurs et scénaristes hexagonaux se sentent -ils obligés d'intégrer des personnages de couleur alors qu'ils peuvent royalement se passer d'eux ?. Si c'est pour se justifier auprès du CSA, ils ont les moyens de contourner la loi au lieu de nous servir des images révoltantes de Ya bon. Affaire à suivre...