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mardi, juin 05, 2012

Pourquoi les Noirs courent plus vite ?

C’est un livre qui va faire beaucoup de bruit dans le landerneau médiatique franchouillard. Et pour cause, il remet à jour la thèse génétique qui expliquerait les performances des Noirs en athlétisme. Le problème avec ce genre de thèses c’est que leurs frontières avec les théories bio-racialistes du XIX siècle restent assez minces. De quoi donc alimenter les fantasmes essentialistes les plus fous et les croyances les plus délirantes sur la nature supposée du Noir. Je vous laisse lire le synopsis du livre non dénué d’intérêt, surtout lorsqu’on évoque l’ACTN3 ?

Synopsis

Ce livre s’attaque à un tabou : le sport et la couleur de la peau. Pourquoi des disciplines comme le 100 m, en athlétisme, sont-elles à ce point dominées par les afro-américains et les antillais ? Sur les soixante-dix-huit sprinters qui sont parvenus à courir le 100 m en moins de 10’’, depuis 1968, soixante-seize sont Noirs. Plus aucun Blanc n’est même parvenu en finale du 100m, aux Jeux olympiques depuis 1980 ! Cette mainmise s’explique t-elle par des facteurs sociologiques, historiques ou scientifiques? La question est taboue, car elle renvoie à des fantômes inquiétants, Jeux « nazis » de Berlin 1936 ou l’apartheid dans les stades sud-africains.

La cinquantaine de sportifs, scientifiques et grands témoins interrogés pour ce livre permettent de faire la part entre fantasmes et réalité. Des généticiens reconnus avancent l’hypothèse d’une prédisposition naturelle. Un prétendu « gène du sprint » l’ACTN 3, a même été identifié dès 2003 par des scientifiques australiens. En France, l’équipe du professeur Olivier Hue soutient que la domination des Antillais en sprint s’explique aussi par le fait qu’ils sont porteurs d’une affection bénigne, le trait drépanocytaire. Où est la vérité ? Quelles sont les coulisses de la légende noire des Jeux ? De l’Américain Jesse Owens, le sprinter qui osa défier Hitler, en 1936, au champion olympique en titre, le Jamaïcain Usain Bolt, première star née et s’entraînant encore dans un pays du tiers-monde. Le futur vainqueur des JO ? Sauf si un jeune homme blond d’Aix-les-Bains, Christophe Lemaitre, l’emporte…


Jean-Philippe Leclaire : Ancien rédacteur en chef de l’Equipe Magazine, collaborateur des Inrockuptibles, de GQ, et So Foot, il est l’auteur de Platini, le roman d’un joueur (Flammarion) et le Heysel, un drame européen (Calmann-Levy).

mercredi, février 15, 2012

Alain Mabanckou et son étonnant « verbe cassé » sur les Noirs de France

Ecrivain multi-récompensé, Prix Renaudot 2006 et aujourd’hui fierté française en Amérique où il enseigne, Alain Mabanckou, d’origine congolaise, est aujourd’hui une icône de cette « France noire » qui a décidé de briser le mur dressé entre elle et la République. En parlant de mur, il y a en un qui tient particulièrement à cœur à l’écrivain franco-congolais et qu’il a décidé de faire tomber d’un trait de plume : le sanglot de l’homme noir. Comprendre, les pleurnicheries et jérémiades inutiles qu’entretiendraient les Noirs au sujet de leur passé colonial et esclavagiste. Pour l’écrivain, les Noirs doivent cesser de se plaindre des humiliations du passé qui leur ont été infligées. En gros, les Noirs doivent cesser de pratiquer le culte de la victimisation, cette forme d’autoflagellation qui confine à l’inaction et à l’immobilisme. Ce discours a provoqué un véritable tollé au sein de la négrosphère hexagonale. Plusieurs personnalités, parmi lesquelles l’historien de la diversité François Durpaire, ont tenu à manifester leur désaccord par rapport à un discours qu’ils jugent caricatural et stigmatisant. Sur le plateau d’Avant-premieres du 26 janvier 2012 sur France 2, l’historien a eu à rappeler son opposition à l’écrivain qui ne s’est pas du tout démonté et a réitéré son analyse pour le moins suranné.

En effet, ce discours de Mabanckou, aux effluves nietzschéens, sommant aux Noirs d’oublier leur histoire, est d’autant plus étonnant qu’en 2012, l’on n’a nulle part vu des Nègres en train de se lamenter sur leur passé. D’où vient cette obsession de Mabanckou sur les Noirs de France et leur passé ? L’écrivain serait-il en train de confondre 2005 et 2012. En effet, en 2005, un débat avait surgi sur le passé de la France dessinant deux Frances, celle des bâtards de la république (les descendants de colonisés) et celle des enfants légitimes (les français de souche). Ce débat, qui avait eu le mérite de soulever d’importantes questions quant à la prise en compte de l’histoire des bâtards dans le récit national, s’est achevé avec la première journée commémorative de l’esclavage le 10 mai 2006 décidé par Jacques Chirac sous l’effet des émeutes de l’automne 2005. Ainsi, l’on reste un peu ba.ba quant à la verve nostalgique de l’écrivain qui passe pour Monsieur contre-temps à défaut d’être la plume de la prise de conscience.

Dans le même registre de l’autoflagellation, l’écrivain n’y est pas encore allé de main morte sur l’hypothétique communauté noire dans la préface qu’il lui a consacrée dans le livre collectif éponyme goupillé par l'historien Pascal Blanchard. Pour rappel, ce livre retrace la saga de ces citoyens bâtards dans la société française depuis le 17ème siècle à nos jours. A bien des égards, cette préface aurait pu être rangée dans le placard de mauvaises plaisanteries. Mais son ton particulièrement consternant, dégoulinant de poncifs regrettables, ne nous pas échappé tant il rappelle un peu le discours que tenaient les « House Negros » dont parlait Malxom X par opposition aux « Field Negros ». L’expression n’est pas de nous, mais c’est le qualificatif que François Durpaire a utilisé au sujet de ce discours pendant leur confrontation sur le plateau d’Avant-premières. Voici ce qu’écrit l’une des belles plumes au demeurant de cette nouvelle génération d’écrivains francophones. Jugez-en par vous-même :

« La composition hétéroclite de la France noire m’a toujours conduit à réfuter l’idée l’existence d’une « communauté noire » française. Une telle communauté aurait nécessité une histoire commune ou du moins une idée centrale qui, si elle était foulée par la République, donnerait au groupe le sentiment de marginalisation ». Or qu’y a-t-il de commun, en dehors de la couleur de peau, entre un Noir en situation régulière qui étudie à Sciences-Po, un sans-papiers d’Afrique de l’Ouest, un réfugié haïtien ou un Antillais de couleur qui, normalement, vient d’un département considéré comme une portion du territoire français ? Rien. En général, ils ne se connaissent d’ailleurs pas et placent leurs rapports sur les vestiges des préjugés nés du monde occidental et qui ont justifié l’esclavage ou la colonisation. En France, le sénégalais, le Réunionnais et le Congolais sont des étrangers entre eux, ne parlant pas une langue commune venue d’Afrique mais le français. Et il en va ainsi de la plupart des Africains. Fiers d’être des sœurs et des frères noirs, fiers de venir du « berceau de l’humanité », d’un peuple qui a « beaucoup souffert », tout laisserait à penser qu’en France ils seraient dans une communauté très soudée. Grave erreur. Ils ne peuvent fonder leur lien sur l’histoire de l’esclavage (ou celle de la colonisation) parce que la plupart des sociétés ont subi ces dominations – faut-il d’ailleurs rappeler l’esclavage fait par des Noirs contre les Noirs ? La race noire ne pourrait donc revendiquer éternellement le funeste monopole de la victime. Pour que l’esclavage eût été le moteur d’une communauté en France, encore eût-il fallu que les Noirs aient pour la plupart échoué dans ce territoire par le bais de ce trafic. Ce qui n’est pas le cas. » Alain Mabanckou préface de la France noire de Pascal Blanchard. P. 7