Patriotes victimes de bombardments onusiens et de la force française Licorne à la Résidence présidentille de Cocody-Ambassade
Dans le flot des discours qui ont suivi la chute de Laurent Gbagbo, il est des mots qui reviennent comme des leitmotivs obsédants : « L’Afrique humiliée », « l’Afrique bafouée », « l’Afrique violée ». Transpirant la colère, ces mots, au goût de bile ravalée, de fierté étouffée, accompagnent la glose de ceux qui ont soutenu le baroud d’honneur du désormais célèbre « boulanger d’Abidjan » dont la sortie pitoyable et ridicule continue d’interpeller plus d’un africain, y compris ses farouches adversaires, de l’intérieur comme de l’extérieur qui l’ont mis, comme ils disent, aux arrêts. Mais ces mots traduisent bien plus qu’un simple cri de révolte de ceux qui ont voulu faire endosser à l’ex-président ivoirien l’uniforme de martyr à la Lumumba. Signe d’un ras le bol certain, ils trahissent notre impuissance devant ce mal incurable qui ronge le Nègre. Cette crise ontologique qui prend la forme de notre insoutenable et révoltante faiblesse qui fait de nous, ces « individus-chose », « individus-déchet », au milieu des nations, devenus dans les mains de l’ancien maître ce « jouet », cette chose insignifiante, qu’il peut retourner, défaire, manipuler à sa guise au gré de son humeur et de son intérêt le plus immédiat.
Mais la causa fiendi de cette faiblesse porte un nom : le déficit de conscience historique de l’homme africain de sa propre « valeur ontologique » en tant qu’être humain jouissant des mêmes droits et devoirs que n’importe quel individu sur cette planète. Parmi les signes évidents de ce déficit, c’est l’effondrement moral qui l’accompagne qui fait que tout Africain devient un coupable potentiel, de crimes pas seulement politiques mais aussi culturels et économiques contre la terre ancestrale. Une terre désormais maculée de sang, legs des forfaits impunis de ceux qui l’ont érigé en vache à lait de la planète. Aux plaies béantes de celles-ci, la réponse de cet homme-déchet se résume à la surdité, à l’amnésie, à l’aveuglement, à l’appât facile du gain, au troc de sa propre dignité en échange d’un hypothétique statut provisoire de président ami (ami de la France, ami des Etats-Unis etc…). Même la mémoire de la violence des épreuves historiques subies ne peut le faire changer de trajectoire. Amnésique, l’homme africain reste pourtant dyspeptique. A l’image de nos deux protagonistes de la crise ivoirienne. A l’image de tous ceux qui ont applaudi à l’ingérence étrangère et se sont réjoui du dénouement de cette crise. A l’image de tous ceux qui ont mis la Côte d’Ivoire à feu et à sang au nom de leur petite gloire personnelle. A l’image de tous ceux qui ont voulu privilégier cette voie sans issue en contractant une nouvelle dette auprès de l’ancien colonisateur qui attend patiemment son heure pour réclamer son dû.
Mais Gbagbo comme Ouattara n’ont pas été les seuls acteurs du déshonneur de l’Afrique dans cette triste fresque tropicale. L’Union Africaine, ce « machin » dont il faudra un jour repenser les fondements, a été aussi humiliée tout en déchirant un peu plus le voile de la honte de son folklore diplomatique. Mais à quoi fallait-il s’attendre ? Finalement à pas grand-chose. On ne fouille qu’une seule fois le sac de l’idiot du village, disent les Kongo. Les dirigeants de l’Union africaine dans le rôle de pauvres pantins et commis dévoués à la cause non pas de leur peuple, mais au service d’intérêts étrangers, ont couvert l’Afrique de honte et de ridicule. De la même manière que certains roitelets africains avaient participé au commerce des esclaves, les avaient même traqués avant de les livrer à des brigands européens, nos dirigeants actuels perpétuent ce travail de mise à mort du Continent à travers leurs compromissions, leur traitrise, leur perfidie et leur insouciance notoire. Ces vérités là il va falloir les entendre, les accepter, les digérer pour mieux comprendre cette faillite ontologico-morale de l’africain. Que l’on se garde de considérer ce problème avec dédain du fait qu’il met à nu notre nature profonde. Ce masochisme ontologique de l’Africain qui fait de lui un être irrémédiablement petit, mesquin, sans conscience historique, rongé par la jalousie, le complexe d’infériorité et pour finir dépourvu du sens de l’honneur.
Ce problème est une véritable maladie et elle atteint chez certains africains son sommet le plus sublime comme l’on a pu l’observer chez de nombreux acteurs de la crise ivoirienne. « Faire l’animal », « montrer que l’on est garçon » jusqu’à marcher sur les corps de ses propres parents. Profaner ces corps et les livrer au voyeurisme planétaire. Sans jamais se demander mais pour qui et pourquoi je fais ce boulot de merde ? Ailleurs on s’interroge. Mais ces quoi ces nègres qui s’entretuent ? Des bêtes ? Non. Des hommes-chose assoiffés de pouvoir mais dans le rôle d’éternels valets. Des hommes-déchet, acteurs d’un ignoble ballet pantomime. Le maître applaudit. Je le tiens ce négro, aime-t-il à répéter. Pauvre pantin encore encombré de chaînes et de boulets, la bête en lui y est logée confortablement.
Sans vouloir instruire ici le procès politique de qui que ce soit, la libération de la Côte d’Ivoire par l’ancien bourreau, l’on n’y croit pas un seul instant. Mais c’est le propre de l’homme-déchet. Il lui est difficile de résister aux sirènes de la division de l’ancien maître qu’il préférera toujours au tambour local de l’unité et du dialogue. Il n’y a que la haine de soi qui peut pousser l’esclave à se faire des illusions, disait Thomas Sankara, sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend le libérer. C’est se moquer de son propre sort y compris celui des millions d’Ivoiriens que de vouloir prendre possession d’une maison en tant que père de la Nation sans en avoir les clefs. Le vrai captif n’est peut être pas celui qu’on a cru voir sur toutes les télévisions du monde entier. Si Gbagbo est en résidence surveillée, Ouattara n’échappera pas à la présidence surveillée. Mais c’est le prix à payer lorsque l’on s’entête à vouloir faire de la politique en Afrique avec les habits du passé, en réclamant son filet de sécurité auprès de l’ancien maître. La libération de la Côte d’Ivoire dans un bunker version Gbagbo, l’on n’y a pas cru un seul instant. Non plus. Surtout lorsqu’on a joué au larbin de service pendant 10 ans. Si l’on salue la combativité de Gbagbo, l’on doute de la sincérité de ce combat au regard d’importants marchés concédés à ceux là même qui ont savamment et copieusement orchestré sa chute. Quel paroxysme d’absurdité. Autant de signes de cette maladie.
Crier au loup blanc ne servira pas à remettre de l’ordre dans la maison Afrique. L’homme africain a un problème à régler avec lui-même avant de régler celui de « l’homme blanc » accusé à tort ou à raison de tirer les ficelles. Se rendre maître de son destin consistera également à se départir de cette fausse naïveté qui habite encore un certain nombre d’entre nous qui croient béatement à la bonté originelle de notre nature qui fait de nous par essence des êtres solidaires. Or cette solidarité, nous l’avons longtemps cherchée dans les luttes de nos aînées restées de simples parenthèses dans l’histoire, d’interminables éructations de fierté de soi sporadiques et par à-coup de l’homme-déchet.
Auteur : C. M. citoyen panafricain