mercredi, février 27, 2008

L’univers mental de la société postcoloniale



Je vous propose de découvrir ce texte de Jean Pierre Kaya qui pose un regard au scalpel de ce qu'est devenue "l'afrique postcolonisée". Car nous sommes toujours, c'est moi qui souligne, dans la relation coloniale.


La situation globale dans laquelle se trouve la communauté africaine à la période postcoloniale, renforce le mépris dont les Africains sont victimes depuis des siècles, développe le racisme et l’exclusion qui frappent les immigrés africains dans le monde. Par Jean Pierre Kaya


La confusion institutionnelle et normative qui caractérise « l’Etat postcolonial », est aussi la raison directe qui explique dans un tel contexte, l’impossibilité d’une idéologie de l’intérêt général. A l’instar de la société coloniale, les acteurs politiques et les fonctionnaires de la société postcoloniale sont placés dans une situation psychologique, où tous les excès leurs sont permis. L’idéologie de la politique du ventre qui en résulte et dont nous avons indiquée la genèse dans notre texte intitulé : « Critique de la politique africaine », signifie littéralement : « faculté de manger ». C’est-à-dire d’engloutir autant que possible, aussi vite que possible, et par tous les moyens, le maximum de ressources nationales contrôlées par l’Etat. Notons que, dans la mesure où l’Etat concentre entre ses mains la totalité des ressources de la nation, et qu’il est, en même temps le plus grand employeur, par l’intermédiaire de sa pléthorique administration, la mentalité de ses fonctionnaires et de ses élites : « la politique du ventre », a fini inexorablement par imprégner l’ensemble de la formation sociale, procédant ainsi, à une déresponsabilisation généralisée et systématique de tous les citoyens.
Nous avons crée le concept de « ventripotent », pour qualifier l’individu, et définir la mentalité et le comportement qui le caractérisent en tant qu’adepte de la politique du ventre. Un « ventripotum », est un Homme gros et gras, sur le plan moral. Caractéristique qui ne se superpose pas nécessairement à son aspect physique. Sauf cas de corrélation linéaire.
I. Mécanisme du parasitage institutionnel
La sphère politico-administrative de la société postcoloniale nous apparaît ainsi comme un vaste marécage où grouillent et grenouillent des ventripotents de toute sorte et de toute taille. Nous savons que s’ils occupent des postes clés dans l’administration, c’est uniquement par le fait de la logique interne de l’Etat postcolonial : la promotion des médiocres. Donc leur présence à ces postes, les rend pleinement complices de la misère qui accable l’immense majorité de la population, qui elle, n’a pas accès au marécage, et ne participe donc pas à la redistribution obscure et illicite des ressources de la nation. De fait l’occupation essentielle des ventripotents est le parasitage de toutes les actions où l’Etat mobilise notamment les ressources financières. Il s’agit par exemple des politiques publiques, de l’aide d’urgence aux populations sinistrées, de la construction des infrastructures, de la conclusion des marchés tant au niveau national, qu’au niveau international etc.…
Ces actions donnent lieu à une activité très spéciale : le prélèvement des pourcentages. Les ventripotents sont ainsi passés maîtres dans l’art de manipuler les procédures administratives et financières afin de dégager le maximum de marge financière à leur bénéfice et au détriment de l’Etat. A l’arrivée, un projet qui théoriquement paraissait ambitieux sur le papier, ne donnera sur le terrain que de très médiocres résultats. Les infrastructures par exemple qui résultent de ces projets, sont réalisées avec un minimum de moyens et de mauvais matériaux.
Ainsi les routes construites sont d’une largeur ridicule et se détériorent au bout d’un bref usage, les immeubles sont informes, inesthétiques et souvent sans équipements adéquats. L’urbanisation des villes, se réduit à tracer l’emplacement des rues dans des zones à bâtir, aucun équipement ne vient compléter cette initiative : ni l’électrification, ni la distribution d’eau, sans parler des égouts. Rien n’est fait comme il faut. Tout respire la médiocrité. On comprend maintenant pourquoi : tous les projets sont financièrement parasités en amont.
II. Dynamique des réseaux
Ce parasitisme institutionnel, se pratique de préférence en groupe, parce que le groupe offre la sécurité du grand nombre [1] . Il s’exerce autour d’une ou de quelques personnalités influentes qui contrôlent un réseau. Les groupes et les réseaux se partagent méthodiquement et dans l’intérêt réciproque bien compris les grands départements de l’Etat. Nous avons déjà montré que l’accès à ces réseaux, ne prenait même plus l’apparence d’un recrutement. Il s’agit désormais, en réalité d’une véritable cooptation, qui s’opère sur des critères discriminatoires, permettant de préserver et de pérenniser les intérêts particuliers des membres du groupe. Ces groupes ayant pour objectif de durer et de préserver leur position, ne peuvent accepter en leur sein un cadre honnête, patriote et réformateur. Tous les postulants à un réseau, choissent automatiquement le silence qui est ici la marque de la loyauté. La moindre trahison se sanctionne par le déploiement d’une violence multiforme qui a pour but de briser et de détruire le membre récalcitrant.
C’est pourquoi les ventripotents préfèrent souvent la collaboration des spécialistes étrangers, sans conséquences pour eux. D’abord parce qu’ils possèdent une compétence dans la compréhension des mécanismes financiers notamment au niveau international, puis dans le montage de projets et marchés généralement farfelus, qui n’ajoutent qu’à la confusion générale. Ces collaborateurs étrangers, finissent par former de véritables grappes de parasites autour des administrations ministérielles, gouvernementales et présidentielles africaines. Leurs arrière-pensées, ne sont pas difficiles à décoder. Ils souhaitent eux aussi accéder à un pourcentage du pourcentage.
La mentalité des ventripotents est ainsi parvenue à occuper et à corrompre la totalité du champ idéologique de la société postcoloniale.
Le savoir traditionnel des féticheurs eux-mêmes, est désormais orienté et utilisé par eux uniquement dans le but de multiplier la capacité de nuisance des individus, afin qu’ils puissent accéder à un réseau, ou qu’ils puissent gravir les échelons de la hiérarchie pour accéder à un poste plus important, par la terreur mystique.
Au sein même des réseaux, règne donc une compétition sans règle, qui débouche sur une forte violence mentale. Les assassinats politiques en Afrique trouvent généralement leur explication dans ces luttes obscures et les changements sans fin d’alliances qui en résultent. On assiste aussi au sein des groupes et réseaux, à un véritable engouement pour les sociétés secrètes, généralement importées d’Occident, où l’on signe des pactes secrets , qui renforcent dans le domaine symbolique, la complicité qui règne sur le plan social. Par effet de démonstration, chaque citoyen de la société postcoloniale devient ainsi potentiellement un ventripotent. On peut imaginer que s’il accède à son tour à une haute fonction sociale, il n’aurait pas le choix, son comportement sera le même. Car l’idéologie du système exercera sur lui une coercition à laquelle il n’aura aucun moyen de se dérober.
III. Le dégré Zéro de l’échelle humaine
Enfin posons la question de savoir, que font les ventripotents de cette fortune illicite qu’ils accumulent sur le dos de l’Etat ? Rien de bien nouveau sous le soleil !
Conscients de l’instabilité politique qui règne dans la société postcoloniale, et donc de l’incertitude de leur propre sort, non seulement ils sont astreints à manger le plus vite possible, mais ils savent aussi qu’ils doivent mettre une grande partie de leur fortune à l’abri, dans des paradis fiscaux, ou simplement dans des banques occidentales pour en vivre des intérêts. Sur place en Afrique, ils se livrent à des activités les plus reposantes qui soient, convenant à leurs facultés mentales défaillantes : la spéculation foncière et commerciale. On ne rencontre jamais un ventripotent digne de ce nom se lançant dans l’industrie pour devenir un véritable entrepreneur. Cela lui coûterait trop d’efforts. Car son mode de vie l’a trop habitué à la facilité et à la médiocrité [2] . Aussi passe t-il le plus clair de son temps, à « mener la grande vie », en entretenant de nombreuses maîtresses, en plus de ses quelques épouses légitimes. Il devient rapidement le centre d’une populeuse « smala », et tombe ainsi définitivement dans l’inefficacité personnelle et dans une médiocrité intellectuelle sans fond.
Comment les autres peuples du monde jugent-ils l’Afrique postcoloniale à travers cet univers mental ?
D’après Axelle KABOU [3], en prenant simplement l’exemple des pays occidentaux, si l’on décode l’impensé véhiculé dans les romans policiers, la littérature populaire, les articles de presse, les reportages et les documents de télévision, et ce sans parler de la littérature africaniste elle-même, la communauté africaine contemporaine apparaît comme une immense bande de Nègres faméliques, maladifs, mais insouciants, aux mœurs décadentes, se complaisant dans la violence. Les caractéristiques les plus récurrentes du Nègre, les plus complaisamment répétées, sont alors : la lubricité, l’incompétence, l’inefficacité, l’improductivité, l’irresponsabilité ; bref la médiocrité.
Une telle attitude renforce les préjugés déjà anciens sur les Africains, « exprimés scientifiquement et philosophiquement » par HEGEL, GOBINEAU, LEVY-BRHUL etc. …
Le seul domaine pense-ton où le Nègre sait donner le meilleur de lui-même, serait le fait de jouer au Nègre. C’est-à-dire, amuser la galerie, en se donnant en spectacle : en courant aussi vite que possible, mais après rien. En donnant libre cours aux instincts les plus primitifs de violence sur un ring de boxe. Ou en frappant furieusement sur un tambour comme des échappés d’asile, pour se tortiller du croupion.
La société postcoloniale, incapable d’être une société productive, devient ainsi une société de danseurs et de chanteurs, fondée uniquement sur la recherche du plaisir. Mais aucune civilisation ne peut se fonder entièrement sur le principe du plaisir. Du point de vue psychologique, ce principe est lié à la mort [4] . Les civilisations qui l’ont adopté, se sont effondrées très vite. Pour qu’une civilisation fonctionne et dure, une hiérarchie doit être respectée entre le travail et le plaisir.
Or la société postcoloniale développe chez ses membres la déresponsabilisation comme trait de caractère fondamental de la psychologie sociale. Ainsi au lieu de la propension à travailler, à entreprendre, à innover, nous assistons impuissants à l’avènement d’une civilisation africaine postcoloniale fondée sur l’abus des plaisirs, sur une mentalité consumériste pathologique : « le boire et le manger », sur le parasitisme, la facilité et finalement la médiocrité, autant d’handicaps, qui détruisent le potentiel vital.
S’il est hors de question de répudier les qualités sportives ou musiciennes des Africains, nous espérons que dans l’avenir ces capacités se nourriront de la mentalité pharaonique, par la pratique de la MAAT, pour participer à l’épanouissement totale de l’Africain nouveau, dans le cadre de la Renaissance Africaine.
Ainsi, la situation globale dans laquelle se trouve la communauté africaine à la période postcoloniale, renforce le mépris dont les Africains sont victimes depuis des siècles, développe le racisme et l’exclusion qui frappent les immigrés africains dans le monde. Ces attitudes que les autres peuples affichent contre les Africains trouvent leur traduction sur le plan de la coopération internationale. Elles sont à ce niveau traduit par un concept anglo-saxon : « the business continuity ». Il s’agit d’une démarche cynique qui eut égard à la médiocrité qui règne en Afrique, impose de veiller uniquement aux intérêts financiers et économiques, sans se préoccuper des problèmes sociaux, des guerres et des conflits ethniques. Du côté francophone, cette attitude trouve son équivalent dans le concept d’ « afropessimisme ».
IV. Que faire de la société postcoloniale ?
Du point de vue de la théorie sociologique, il serait impropre de lui reconnaître la qualité de société. Car la société postcoloniale possède tous les symptômes d’une société malade. Cette société prive l’Homme de ses aspirations fondamentales : la liberté, la santé, l’éducation, et l’épanouissement : social, professionnel, intellectuel, moral et spirituel. Elle confisque à l’Homme Noir sa dignité. Enfin sa logique interne, fondée sur l’arbitraire, le despotisme, la violence et la prédation des ressources de la nation, s’oppose au développement des sociétés africaines. La société postcoloniale réduit les citoyens africains à l’incertitude, en entretenant un climat de violence endémique, elle les déresponsabilise en profondeur, en corrompant ses propres élites, et en répandant l’idéologie de la politique du ventre. Elle rend ainsi ses propres citoyens improductifs, en les handicapant mentalement et physiquement.
La société postcoloniale est bien une société malade, victime d’un retour puissant du refoulé de la communauté africaine. Elle est la preuve directe de la crise de la personnalité africaine. A l’instar de la société coloniale, elle ne possède aucune visibilité : ni historique, ni normative. Au sein de la société postcoloniale, les Africains ne parviendront jamais à s’accomplir. Car ils sont diminués par toutes les aberrations qui les accablent. Parce que sa logique interne, ainsi que son idéologie lui imposent une unique voie à suivre : le pillage et la prédation des ressources de la nation, au bénéfice d’une infime faction qui domine politiquement, parce que, pour se livrer à cette activité illicite la faction au pouvoir est obligée de corrompre et de transformer les élites et les cadres de l’administration en citoyens médiocres et irresponsables, il nous apparaît clairement, que la société postcoloniale n’est pas réformable. Si par miracle, elle se débarrassait de sa logique prédatrice, elle cesserait d’être elle-même, or cela n’est pas envisageable, car la volonté des dirigeants africains actuels de s’accrocher au pouvoir par tous les moyens, à travers une mascarade de démocratie, le prouve. Mais tant qu’elle demeure elle-même, elle s’opposera volontairement ou non au développement des sociétés africaines et à l’épanouissement des citoyens africains. Dès lors, aucun doute, n’est plus toléré, la seule réponse logique et plausible qui s’impose face à cette société malade, est la rupture définitive, irrévocable et sans regrets. Il est évident que, cette rupture ne peut être obtenue que par une démarche révolutionnaire, méthodiquement et théoriquement pensée d’avance.
La société postcoloniale en effet s’attire fatalement contre elle des mobilisations de type révolutionnaire en refusant au peuple de satisfaire son besoin légitime de participation politique dans la transparence, en le maintenant perpétuellement dans la terreur, la misère et dans toutes les carences. Une telle attitude, met fin au pacte social. Les citoyens sont désormais libres de réclamer la souveraineté nationale réelle dont-ils sont les véritables dépositaires, afin de la mettre en œuvre autrement.
Ainsi face à l’exploitation interne et externe dont-il est victime, le peuple africain est réduit à vivre d’expédients économiques. Ce peuple à qui on a longtemps confisqué sa liberté, sa dignité et toute possibilité d’épanouissement, doit se lever maintenant pour changer le cours de son destin et mettre en œuvre : « la Renaissance Africaine », par une Révolution Africaine préalable, qui doit retentir jusque dans le subconscient de chaque citoyen africain, pour proclamer le commencement d’une ère nouvelle.
MAO ZE DONG a dit : « Lorsque les idées justes s’emparent des masses populaires, Elles se transforment en puissances révolutionnaires ».




Source africamaat.com

lundi, février 25, 2008

Face à l’obamania, la presse française broie du noir



La presse hexagonale ne reste pas sourde à la déferlante obamania qui menace désormais d’emporter avec elle Hilary Clinton jusque là juchée sur sa digue de l’ex First Lady. Pour une fois, ce n’est pas le cyclone katrina qui menace les afro-américains, mais l’ouragan politique Obama qui emporte l’Amérique. On pourrait presque allègrement filer cette métaphore sudiste : « autant en emporte la couleur ».
En France, à en juger par la couverture médiatique, le phénomène semble aussi bien « noircir » les écrans télé que les pages de journaux. Noircir, c’est le cas de le dire, d’autant qu’au pays de l’Homme universel, le candidat noir désormais favori à l’investiture démocrate, de père kenyan et de mère blanche originaire de Kansas, intrigue, suscite émoi, admiration et parfois même des haussements d’épaules (Un Noir à la Maison blanche, c’est pas possible, !).

Pour expliquer le succès inattendu de l’africain-américain, Barack Hussein Obama, un journaliste de l’hebdomadaire Marianne, Roland Hureaux, y est même allé de sa petite analyse ethno-anthropologique digne de l’époque naturaliste :
« La vérité est qu'Obama n'est pas un vrai noir ! Il ne l'est que pour ceux qui pensent que la couleur de la peau a de l'importance. Sur le plan culturel, le seul qui importe, Obama est le contraire d'un noir américain. Non par sa mère blanche qui descendrait du président sudiste Jefferson Davis - mais aussi, plus classiquement, de paysans irlandais chassés par la famine de 1846 : aux Etats-Unis, une goutte de sang noir suffit à vous faire « black ». C'est de son père, Barack Obama Sr, homme politique kenyan de l'ethnie Luo, que le sénateur du Michigan a reçu une empreinte vraiment originale. Les Luos appartiennent à cette grande famille de peuples pasteurs d'Afrique de l'Est dits « nilo-hamitiques ». Si l'expression que de Gaulle appliqua une fois aux Juifs, « peuple sûr de lui et dominateur », a un sens, c'est bien dans cette région du monde. Les Nilo-hamitiques sont le contraire d'esclaves ou de descendants d'esclaves. Ces peuples fiers et guerriers (Parmi lesquels les célèbres masaïs) dominèrent longtemps les Bantous, cultivateurs et sédentaires. Ils résistèrent avec succès aux entreprises des marchands d'esclaves arabes de la côte swahili, quand ils ne collaborèrent pas avec eux. Eux ou leur cousins sont au pouvoir au Rwanda, au Burundi, en Ouganda, en Ethiopie et au Soudan ( quoique les Nilo-Hamitiques soudains se prétendent Arabes). De grands hommes politiques de la région comme Julius Nyerere , fondateur du socialisme ujamaa ou Yoweri Museveni, actuel président de l'Ouganda, en sont. De même l'ancien archevêque de Dar-es-Salaam Lawrence Rugambwa, fait premier cardinal africain par une Eglise romaine qui s'y connait en chefs. Kabila, président du Congo est, dit-on, à moitié tutsi ».
Vous l’aurez remarqué l’observation journalistique de notre ami reporter plus héritier de Tintin au Congo que d’Albert Londres, tourne à l’obsession des origines. A la lecture des conclusions scientifiques de l’apprenti ethnologue, on conviendra avec Sophie Bessis que même si les « primitifs n’existent plus, la peur du sauvage n’a pas disparu pour autant ». L’historienne, qui a consacré une partie de ses recherches à la problématique de « l’Occident et les autres », sait de quoi il retourne. Selon elle, l’obsession classificatoire des occidentaux, issue du naturalisme du XVIII ème siècle, qui entreprend de racialiser les différences, a pour fondement cette culture de la suprématie. Au nom de cette culture, explique-t-elle, « même chez les Noirs, jugés les plus proches globalement de l’animalité, certains groupes sont plus humains que d’autres car moins « négroïdes » de traits et de couleur. La aussi, poursuit-elle, la science se charge d’apporter la preuve que la taille du cerveau est directement proportionnelle à la clarté du teint. Les Hamites de l’Afrique des Grands Lacs – catégorie raciale inventée de toutes pièces- se verront ainsi désignées comme les plus blancs des Nègres, avec les privilèges qu’un tel état implique ».
Comme l’on pouvait s’y attendre, difficile d’échapper à cette lecture chromatique des enjeux de l’élection américaine en France, tant ce pays a du mal à composer avec les différences. Ainsi, l’expérience américaine est-elle jugée contre-nature, n’allant pas de soi ; et que les américains se tromperaient presque en élisant, si c’est le cas, un président Noir.
S’il est difficile, en lisant les journaux français, de trouver quelques allusions aux programmes du candidat et des candidats, le détour par les titres et certains discours médiatiques permet de confirmer cette hantise du phénotype. Dans sa livraison du 04 février 2008, l’hebdomadaire le Point sous la plume de Patrick Sabatier joue les cassandre en essayant de noircir ses succès après la victoire du candidat démocrate en Caroline du sud : « Jusque parmi ses partisans, certains craignent que son triomphe en Caroline du Sud ne s'avère une victoire à la Pyrrhus. L'ampleur de sa victoire a en effet été principalement due aux Afro-Américains qui, dans cet État, constituent plus de la moitié de la base démocrate. Ils ont voté comme un seul homme à 78 % pour le candidat "noir. (…)Or ce "vote noir", s'il lui est indispensable, ne peut suffire à lui assurer la nomination, et encore moins à conquérir la Maison-Blanche. Le fait que la communauté afro-américaine vote pour lui comme un seul bloc peut au contraire entraîner une réaction de rejet dans une partie de l'électorat blanc, hispanique ou asiatique, et faire de lui le candidat "ethnique" qu'il ne veut pas être. (…)La fracture raciale apparue en Caroline du Sud, même si tout le monde, candidats et médias en tête, s'emploie à la minimiser, commence aussi à soulever des inquiétudes réelles chez les stratèges démocrates. ». La suite nous la connaissons, les victoires, par exemple, dans les Etats de Wisconsin et de l’Iowa à majorité blanche ont démenti cette prophétie auto-réalisatrice dont le quotidien Libération annonça la couleur quelques jours auparavant, avec ce titre « Obama, souffre-couleur des Clinton ». Relayant les propos du journaliste Ted Stanger, selon lesquels, les Etats-Unis ne seraient pas encore prêts à élire un Noir à la Maison-Blanche, France-Soir s’interroge sur l’illusion Barack Obama ? Dans son édition du 22 février 2008, le magazine l’Express enfonce le clou en annonçant la fin de la lune de miel entre Obama et les médias ? Dans ce portrait mi figue mi raison du sénateur de l’Illinois dans la presse française, l’Humanité tente de faire entendre un autre son de cloche avec ce titre « Surprise : l’espoir vient des Etats-unis : « La nouveauté Obama n’est pas n’importe quelle nouveauté : il s’agit de quelque chose qui explose le sens commun Américain, qui romps tous les schémas et les sentiments de masse, qui détruit et reconstruit sur des nouvelles échelles l’imaginaire politique, les symboles collectifs, les hiérarchies de valeurs, le relations entre politique et peuple ».

jeudi, février 21, 2008

Le Paris noir de Cédric Klapisch







Hommage aux mille et une facettes de Paris ou détail de trop ? Les clichés du noir parisien, maladroitement imposés à notre regard, dans le dernier film « Paris » de Cédric Klapish, apparaissent comme un odieux furoncle au milieu du visage de la ville lumière. Notre spécialiste de la comédie sociale a donc décidé dans ce dernier film de nous plonger dans son Paris à lui, mais un « Paris » qu’il semble entrevoir surtout à travers ses « binocles » de bobo franchouillard, avec le risque de grossir un peu les traits de certaines réalités. Parmi lesquelles, celle du clandestin camerounais. Au-delà de la galerie de portraits magnifiquement campés par plusieurs personnages (la boulangère, le poissonnier, le maraîcher, le prof d’histoire, le danseur, l’assistance sociale, l’architecte…), il est des images dont la charge symbolique mérite qu’on s’y attarde. Un « air de déjà vu », on dirait que notre réalisateur parigo cherche non pas « son chat » mais les travers de l’immigration africaine via le péril black. C’est presque bamboula et compagnie.

Curieux regard que celui qui « meut » le parisien Klapisch sur « l’hôte » africain, étrange représentation que celle du cinéaste sur l’immigré noir africain. Dans le Paris de Klapish, celui-ci est ramasseur de poubelles vit en couple avec enfants et attend l’arrivé d’un frère resté au pays bientôt clandestin et réfugié économique. Qu’il s’agisse de la traversée du désert de ce dernier ou de la présence du couple chez l’assistance sociale pour les allocs, la neutralité de la pellicule ne peut qu’être remise en cause. On semble retrouver là une version cinématographique du fameux « bruit et des odeurs », avec le braillement de la progéniture en toile de fond. Les échanges du couple en dialecte africain, lorsqu’il est question du nombre de personnes dans le foyer, sont un autre moment d’anthologie. Ce ramassis de stéréotypes misérabilistes vous bouche un coin. Notre guide parisien a sûrement voulu prendre des raccourcis. Car, l’immigré noir africain parisien, fut-il clandestin, ne serait se résumer à cette figure du mendiant à la prolificité génésique redoutable et gros consommateur d’allocs. Cette scène chez l’assistance sociale est assez emblématique de ce regard condescendant mâtiné de mièvrerie agaçante sur l’immigré africain. Au lieu de s’intéresser aux vraies causes de l’immigration africaine, on préfère, par mauvaise conscience, la caricaturer en montrant à la loupe les images tronquées de celle-ci.

Au-delà du combat sans issue, que livre ce jeune homme contre la maladie en l’occurrence Romain Duris, qui n’est qu’un prétexte pour introduire de la gravité dans ce portrait plutôt intime de Paris, Klapisch succombe vite aux déterminismes de son milieu. Il n’en sort d’ailleurs pas au point de rester prisonnier des images préfabriquées de son univers mental de bobo crypto - philanthrope qui se croit obliger de montrer le « Paris noir ». Histoire de dire que je n’oublie pas ces réalités là, plutôt ces « gens là », selon lui, tout aussi touchantes que les interrogations philosophico-nihilistes d’un prof d’histoire en mal d’amour et à l’affût de la fraîcheur. Tout comme le désespoir de cette assistante sociale joué remarquablement par Juliette Binoche élevant seule trois enfants et, qui a visiblement cessé de vivre depuis ses deux ruptures. Mais l’allusion à ce Paris noir s’apparente vite à un cheveu dans la soupe. Tant mieux puis qu’il s’agit d’un Paris plus fantasmé que vécu.

Le Paris noir de Cédric Klapisch est un « Paris » glauque, underground, sombre, miséreux, misérabiliste, sans issue, une grosse tâche sur la ville lumière. Le Paris noir de notre réalisateur est forcément un pari immigré, cet eldorado, que l’Africain se doit coûte que coûte d’atteindre, même au péril de sa vie en se jetant dans des embarcations de fortune au large de côtes marocaines. L’horizon du parisien noir est bouché, c’est une longue nuit d’enfer, de calamités, qui se termine chez le travailleur social en compagnie de sa tribu avec en ligne de mire les allocs. Pourtant depuis les tirailleurs sénégalais, bien de l’eau a coulé sous le pont de l’île de la Cité. D’histoire de Paris il est aussi question dans ce film. Faut-il rappeler que Paris doit son nom à la déesse négro-egyptienne ISIS. Oui Paris est la ville d’ISIS, Paris ou « Par Isis », en raison du culte de la déesse qui y fut pratiqué jadis. Paris, c’est aussi la ville du soldat inconnu, chair à canon, qui pourrait être l’aïeul de ce clandé dans l’auberge parisienne. Au-delà de la caricature du parisien noir, des clichés en vogue pour appuyer le discours de l’inintégrabilité du Nègre, il est des vérités qu’il est urgent de rappeler surtout en ces temps-ci où l’amnésie confine à une relecture par trop sélective et tendancieuse de l’histoire.


samedi, février 09, 2008

La République du mépris





Un livre intérressant de Pierre TEVANIAN pour qui veut comprendre les métamorphoses du racisme dans la France des années sarkozy. En voici quelques extraits :
Le racisme républicain peut par exemple être défini par des caractéristiques formelles : il procède par allusions, euphémismes, métonymies. Il a ceci de remarquable qu’il n’exprime pas frontalement de haine à l’encontre des Noirs, des Arabes ou des Musulmans, mais emprunte des détours et méprise plus qu’il ne hait. La haine ne lui est pas totalement étrangère, mais elle n’advient que dans des conditions particulières : lorsque les subalternes manifestent trop ostensiblement, effrontément, radicalement, leur prétention à l’égalité [1]. Le racisme républicain s’exprime le plus souvent sous la forme d’un discours « raisonnable » – ou simulant la raison – opposant de manière manichéenne des entités vagues : « la République » du côté du bien, et du côté du mal plusieurs entités tout aussi vagues (« la violence », « l’insécurité », « l’incivilité », les « caïds de banlieue », l’« intégrisme », le « communautarisme », la « victimisation », la « repentance », etc.) qui ont toutes pour point commun de se rattacher, par le biais de détours rhétoriques bien balisés, à l’immigration et aux populations issues des anciennes colonies. Ce discours structure un monde binaire d’une reposante simplicité, dans lequel même le plus « déboussolé » des « petits Blancs » trouvera aisément des repères et des consolations narcissiques, en opposant :
l’« ordre » au « désordre », la « sécurité » à l’« insécurité », le « respect d’autrui » à la « violence », la « force de loi » à la « délinquance », l’ « État de droit » aux « zones de non-droit » ;
le féminisme et la mixité hommes-femmes aux « traditions » patriarcales, aux « tournantes » et au « voile, symbole d’oppression » ;
l’« islam modéré » à l’« islam radical » (également nommé « islamisme » ou « intégrisme »), les « Lumières » à l’« obscurantisme », le « rationalisme » au « fanatisme », la « modernité » aux traditions « archaïques », la bonne religiosité, celle qui reste « intérieure » (c’est-à-dire invisible), aux expressions religieuses « ostentatoires » et aux tendances envahissantes de « l’islam politique » ; l’ « universalisme à la française » au « communautarisme à l’anglo-saxonne » ; la « cohésion nationale » et le « vivre-ensemble » à l’« éclatement », au « repli » ou à la « guerre ethnique » ;
le bon usage de la mémoire et de l’histoire à la « haine de la France », à la « victimisation » et à la « culpabilisation » qui s’exprime du côté des descendants de colonisés, et à l’« auto-flagellation », la « mauvaise conscience » et la « repentance » qui lui répond du côté des autres Français ; ou encore le bon usage du « devoir de mémoire » et la pleine reconnaissance de l’« unicité de la Shoah » à la « banalisation » de cette dernière et à la « concurrence des victimes ».
Ces séries d’opposition binaires, dans lesquelles la République tient systématiquement le bon rôle et l’« immigration » ou sa « descendance » tiennent tout aussi systématiquement le mauvais, forment les principaux registres du racisme républicain tel qu’il a pu se formuler ces dernières années : le registre « sécuritaire », le registre « féministe », le registre « laïque », le registre « mémoriel » et le registre « libertaire ».

Le patrimoine des chefs d’Etat africains en France







C’est un monde enchanté où l’on vogue d’une villa de 9 pièces avec piscine à Nice à un hôtel particulier de l’Ouest parisien. Un univers surréaliste peuplé de Bugatti payées cash plus de 1 million d’euros. Un microcosme constellé d’une myriade de comptes bancaires. Oligarques russes ? Rois du pétrole saoudiens ? Stars d’Hollywood ? Non : chefs d’Etat africains producteurs de pétrole pour la plupart, mais dont les populations comptent parmi les plus pauvres de la planète.

Le fait que des dirigeants du continent noir investissent dans l’immobilier en France, qu’ils séjournent à Paris dans un luxe inouï, que leurs familles bénéficient de largesses financées dans la plus grande opacité n’est pas une révélation. Mais, cette fois, l’inventaire de ce patrimoine vertigineux n’est pas dressé par des militants tiers-mondistes en lutte contre la "Françafrique". Il se lit dans les 34 procès-verbaux rédigés entre juin et novembre 2007 par les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF).

Cette enquête policière, dont Le Monde a pu prendre connaissance, a été ouverte par le parquet de Paris en juin 2007. Elle faisait suite à une plainte pour "recel de détournement d’argent public" déposée en mars par trois associations françaises, visant cinq chefs d’Etat : le Gabonais Omar Bongo Ondimba, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Burkinabé Blaise Compaoré, l’Angolais Eduardo Dos Santos, et le Guinéen Teodoro Obiang.

Au fil des centaines de pages du dossier se dessine une singulière carte du Paris africain, sorte de Monopoly où les présidents auraient jeté leur dévolu sur les artères les plus huppées. Foisonnant et cossu, le patrimoine immobilier est surtout localisé "dans des quartiers à forte valeur marchande, soulignent les policiers. Paris 16e, 8e et 7e arrondissements pour Omar Bongo et son épouse, Paris 16e et Neuilly-sur-Seine pour Jeff Bongo [un des fils d’Omar Bongo], Le Vésinet pour le frère de Denis Sassou Nguesso, Courbevoie pour Wilfrid Nguesso [neveu du président du Congo] ou Paris 16e pour Chantal Compaoré [épouse du président burkinabé]".

La découverte la plus spectaculaire se situe entre les Champs-Elysées et la plaine Monceau, dans le 8earrondissement de la capitale. Là, un hôtel particulier a été acquis le 15 juin 2007 pour la somme de 18,875 millions d’euros par une société civile immobilière (SCI). Celle-ci associe deux enfants du président gabonais, Omar Denis, 13 ans, et Yacine Queenie, 16ans, son épouse Edith, qui se trouve être la fille du président congolais Denis Sassou Nguesso, et un neveu de ce dernier, Edgar Nguesso, 40 ans.

Au total, sont répertoriés 33 biens (appartements, hôtel particulier et maisons) appartenant au Gabonais Omar Bongo ou à sa famille, et 18 autres dont le président congolais et ses proches sont propriétaires. Le patrimoine de loin le plus imposant concerne M.Bongo lui-même. Son nom est associé à pas moins de 17 propriétés immobilières, dont deux appartements avenue Foch (88 m2 et 210 m2) et un de 219 m2 lui aussi situé dans le 16e arrondissement. A Nice, une propriété "est constituée de deux appartements (170 m2 et 100 m2), trois maisons (67,215 m2 et 176 m2) et d’une piscine", précise le procès-verbal. "Un chef d’Etat, en fonctions depuis quarante ans dans un pays pétrolier et qui a des revenus officiels importants, peut économiser suffisamment d’argent pour acheter plusieurs appartements à Paris, explique Me François Meyer, avocat d’Omar Bongo et de sa famille. Surtout avec les prix très bas de l’immobilier pratiqués il y a vingt ou trente ans."

Selon les policiers, le président Bongo dispose de quatre adresses distinctes à Paris. Ali Bongo, qui est son fils et aussi son ministre de la défense depuis 1999, est également propriétaire avenue Foch tandis que son épouse Edith possède deux immenses logements dans le 7earrondissement, non loin de la tour Eiffel. De Nice à Neuilly-sur-Seine en passant – souvent – par le 16e arrondissement parisien, l’enquête recense aussi les propriétés de Jean Ping, ex-gendre d’Omar Bongo et actuel ministre des affaires étrangères, et d’autres fils du président gabonais comme Omar-Denis junior et Jeff, ainsi que de filles comme Audrey, Yacine Queenie, ou petite-fille comme Nesta Shakita.

En comparaison de ce petit empire immobilier, les autres chefs d’Etat visés apparaissent comme de petits propriétaires. Discret, le président congolais Denis Sassou Nguesso ne fait qu’"utiliser", selon les policiers, la Villa Suzette du Vésinet (Yvelines). Cette coquette demeure de 485 m2 était juridiquement la propriété de son frère Valentin, jusqu’à ce que, quelques semaines avant le décès de ce dernier à la fin 2004, elle soit cédée à une société de droit luxembourgeois aux actionnaires anonymes.

Les enquêteurs ont également répertorié un appartement de 9 pièces acheté à Paris (17e) en 2007 pour 2470000 euros par l’épouse du président congolais Antoinette Sassou Nguesso. Ils mentionnent aussi le logement de 10 pièces à 1 600 000 euros acquis en 2005 à Paris par leur fils Denis Christel, ainsi que l’hôtel particulier de 7 pièces avec piscine intérieure à Neuilly-sur-Seine acheté 3,15 millions d’euros en 2006 par Julienne, leur fille cadette.

Les mêmes policiers n’ont découvert aucun bien immobilier appartenant au président angolais Dos Santos ni au Burkinabé Blaise Compaoré. Seule la déclaration d’impôt sur la fortune de Chantal, l’épouse de ce dernier, a montré qu’elle possède deux biens immobiliers à titre personnel dans le 16e arrondissement. Dans le même quartier, le président guinéen Teodoro Obiang est propriétaire d’un appartement. Epluchant les fichiers fiscaux et bancaires, les enquêteurs de l’OCRGDF ont non seulement dressé la liste des biens immobiliers, mais aussi des comptes bancaires accueillant en France les avoirs de dirigeants africains et de leur famille.
Ainsi, Edgar Nguesso ne possède pas moins de 12 comptes dont 7 courants. Mais aucun n’apparaît au nom de son oncle, le président du Congo. Son homologue gabonais, lui, est titulaire de 11 comptes ouverts à Paris, Nice ou Créteil dont 6 comptes courants.

Dans leur élan, visiblement ébahis par leurs découvertes, les policiers ont étendu leurs investigations au domaine des voitures de luxe, qui n’était pas explicitement visé par la plainte. Chez les concessionnaires Mercedes, Bugatti ou Aston Martin, ils ont retrouvé ce qu’ils n’avaient pas obtenu pour les appartements : les chèques et les virements ayant servi aux paiements.
"Le financement de certains véhicules apparaît pour le moins atypique", notent les enquêteurs, maniant l’euphémisme à propos de "ce parc automobile conséquent". Les deux Ferrari acquises pour près de 400 000 euros par Ali Bongo, la Maybach à 424 477 euros d’Edith Bongo, les trois Bugatti à 1 million d’euros pièce fabriquées spécialement pour Teodoro Nguema Obiang, le fils du président de Guinée équatoriale, ont été payés au moyen de chèques tirés par des sociétés au profil opaque.

De même, notent les policiers, Wilfrid Nguesso, neveu du président congolais, "règle le solde d’achat d’un véhicule Aston Martin type DB9 par un virement émis par Matsip Consulting", une société de droit luxembourgeois aux associés inconnus qui apparaît également comme propriétaire de la Villa Suzette du Vésinet.

Le fils du président de la Guinée équatoriale a, lui, acheté au total en France "une quinzaine de véhicules pour un montant estimé de plus de 5,7 millions d’euros", acquittés là encore par des virements de sociétés intermédiaires. Son nom, Teodoro Nguema Obiang, a été cité en 2004 dans un rapport du Sénat américain sur les transactions suspectes couvertes par la Riggs Bank qui, à Washington, gérait alors plus de 60comptes au nom des responsables de ce petit Etat pétrolier et de leur famille.

En fait de "financement atypique", les enquêteurs français se sont vivement intéressés au chèque de 390 795 euros tiré en février 2004 par la "paierie du Gabon en France" pour régler la "Maybach 57" (une marque allemande concurrente de Rolls-Royce) de couleur "bleu Côte d’Azur" destinée à "Madame la Présidente Edith-Lucie Bongo-Ondimba". A en croire ce chèque, dont la copie figure au dossier, l’argent public gabonais financerait le véhicule de grand luxe de la première dame du pays, qui n’a pourtant aucune fonction officielle.

Le même compte de la "paierie du Gabon" ouvert à la Banque de France et utilisé pour régler les frais de fonctionnement de l’ambassade à Paris a servi à financer la moitié d’une Mercedes à 75858euros dotée d’un "toit ouvrant panoramique" achetée en septembre 2006 à Paris par Pascaline Bongo, la fille du président, qui est aussi sa directrice de cabinet. Curieusement, le reliquat de 41 370 euros a été acquitté par un chèque signé de Me François Meyer, avocat du président Bongo. "Cela peut étonner, admet Me Meyer. Mais je peux faire des cadeaux à la fille du président Bongo, que je connais depuis vingt ans." D’où vient l’argent ? Au vu de ce somptueux état des patrimoines, la question de l’origine des fonds s’impose. L’apparente disproportion entre la richesse immobilière accumulée et les revenus publics des propriétaires aurait pu suggérer de poursuivre des investigations dans les comptes bancaires ayant permis pareilles transactions.

Le salaire mensuel officiellement versé par l’Etat gabonais au président Bongo ne se limite-t-il pas à 14 940 euros, selon l’hebdomadaire Jeune Afrique ? Celui du président Sassou Nguesso n’est-il pas de 30 000 euros, comme l’indiquent d’autres sources ? Quant à Teodoro Obiang, ministre de l’agriculture et des forêts de son père, ne perçoit-il pas officiellement 5 000 dollars (3 400euros) par mois, d’après des sources américaines ? Des investigations plus approfondies auraient dépassé le cadre de l’enquête préliminaire de police. Elles supposeraient l’ouverture d’une information judiciaire et la désignation d’un juge d’instruction. Une telle perspective a été écartée par la décision de classement, notifiée le 15 novembre par le parquet de Paris. Mais le dossier pourrait être rouvert si les associations parvenaient à déposer une nouvelle plainte, assortie cette fois d’une constitution de partie civile, comme elles en nourrissent le projet. Cette formule conduit automatiquement à la désignation d’un juge d’instruction, à condition que les plaignants prouvent leur "intérêt à agir".

Même si un juge d’instruction était désigné, de sérieux obstacles surgiraient immédiatement sur sa route. Outre l’immunité dont peuvent se prévaloir des chefs d’Etat en exercice – mais pas leurs familles –, la difficulté résiderait dans la mise au jour des opérations à l’origine d’éventuels détournements. Il faudrait enquêter en Afrique, où des infractions auraient été commises, notamment dans les comptes publics. "La preuve que l’argent public a financé des dépenses privées se trouve dans le pays que contrôle précisément… le bénéficiaire", résume un spécialiste du dossier.

Trois des cinq régimes concernés bénéficient du soutien indéfectible de Paris. Cet appui, renouvelé récemment par Nicolas Sarkozy, ne devrait pas fondamentalement être remis en cause par la récente sortie de Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la coopération, contre le "gaspillage des fonds publics" par certains Etats africains. Or une enquête destinée à faire la lumière sur d’éventuels "biens mal acquis" déborde rapidement les normes policières ou judiciaires. Elle suppose une véritable mise à nu de la relation franco-africaine.


Philipe Bernard

Source Lemonde.fr