samedi, février 26, 2011

L’Occident est-il au pied du mur ?

Crise ivoirienne d’un côté, révolutions arabes de l’autre. Deux phénomènes politiques totalement inédits semblent annonciateurs de « quelque chose » dans le monde et conforter l’idée que nous nous trouvons à la croisée des chemins pour tous les peuples opprimés du sud encore sous le joug de la loi inique de la domination européo-etats-unienne. S’agissant de la première crise, tous les observateurs avaient parié sur la chute de Gbagbo, mais chaque minute qui passe montre le contraire. Et ce dernier semble résister malgré les gigantesques pressions de la communauté internationale. Quant aux révolutions arabes, inattendues, parties d’un banal fait divers, une verbalisation suivie d’une confiscation de marchandise, se terminent en départ précipité de Ben Ali, une des figures emblématiques des dictatures installées autour du pourtour méditerranéen au profit d’intérêts européo-etats-uniens. C’est dire combien l’exaspération couvait sous la cendre.
Mais ne nous réjouissons pas vite. Si l’Occident a semble-t-il donné l’impression qu’il ne maîtrisait ni ne comprenait pas grand-chose de ce qui se passait dans les endroits précités pourtant sous leur contrôle via des valets locaux, il va sans dire que ce dernier s’achemine vers une auto-critique de son positionnement dans le monde de plus en plus décrié.

La diplomatie des valets locaux

Pour assurer la pérennisation de son système de domination, l’Occident avait crée un système qui consistait à imposer aux peuples du sud des valets locaux chargés de protéger ses intérêts. Les exemples de Bongo en Afrique centrale, de Compaoré en Afrique de l’Ouest sont emblématiques. Or, il semble que ce système est en train de prendre l’eau. L’édifice perd ses fondations au fur à mesure que « la chape de plomb » jusque là invisible « du peuple » qu’il n’avait pas intégrée dans son système gagne du terrain. Des scénarii que de nombreux agents de renseignement déguisés en diplomates n’ont pu anticiper qui quadrillent les zones d’influence entrées en ébullition ces derniers temps. Pour autant l’Occident est-il au pied du mur ? En tous les cas, les chutes précipitées des dictatures du Maghreb le laissent penser. Hosni Moubarak, l’homme fort des américains et allié des Israéliens, est tombé aussi facilement qu’un fruit mûr sur un arbre, tandis que Ben Ali, désavoué par l’Armée, avant de prendre la fuite, est aujourd’hui sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Quant à Kadhafi, qui avait renoué ses relations diplomatiques il y a peu avec toutes les puissances occidentales, est devenu l’homme à abattre, pressé lui aussi par des révoltes dans son pays « intouchable » qu’il dirigeait d’une main de fer.

L’Occident n’incarne plus l’ordre moral du monde
Jusqu'à présent le prestige de l’Occident s’était bâti autour de l’incantation des droits de l’homme et de la démocratie pour tous les peuples. Il était même devenu la référence incontestable en la matière. Seulement, tout ça n’était que du pipeau. Derrière les beaux discours, une hypocrisie sans nom sur fond d’arrogance et de mépris. C’est ainsi que la diplomatie française s’est contentée du silence devant des régimes corrompus du Maghreb qui par ailleurs devaient protéger ses intérêts contre le bien être de leurs peuples. De la même manière, celle-ci a soutenu via Elf le retour au pouvoir de Denis Nguesso en chassant un président élu démocratiquement Pascal Lissouba. C’est ainsi que l’Onu a soutenu l’assassinat de plusieurs fils d’Afrique (Lumumba, Sankara, Moumié, Biko etc.). Et le génocide rwandais nous laisse encore de marbre devant le cynisme des puissances occidentales. Aucune n’a osé agir. Dans un cas comme dans l’autre, les raisons invoquées tout aussi saugrenues les unes que les autres. Au Maghreb, le soutien des dictatures se justifiait par le dévouement de celles-ci à contenir la poussée islamiste. Résultat des courses, Aqmi y sévit. Vous avez dit dictatures « gendarmes » ? Quant au soutien des dictatures sous les tropiques, c’est essentiellement la captation des ressources minières. « Oui Missié Bwana » est un bon dirigeant s’il se montre docile et très très coopératif. Dans ce jeu amoral, immoral et cynique où docilité des dirigeants vaut critère de régime ami et acceptable, les peuples du sud y perdaient leur latin et même leur vie.

CPI et gel des avoirs des dirigeants en disgrâce ou déchus ?
Les autres recettes qu’affectionnent ce système c’est le chiffon rouge de la CPI, du gel des avoirs etc. La première à savoir la CPI est sans doute la plus injuste et cynique tant elle a d’abord été pensée pour intimider les dirigeants récalcitrants du sud. A ce jour, cette cour internationale n’a jamais inquiété un seul dirigeant occidental. Les mensonges de Bush sur l’Irak seront-ils un jour punis ? Les assassinats politiques des dirigeants indépendantistes en Afrique seront-ils punis ?. La responsabilité de l’Onu dans le génocide rwandais sera-t-elle questionnée un jour ? En tout cas on attend toujours. Tous ces faits tendent à prouver que l’Occident n’est plus crédible, y compris ses institutions internationales (ONU, notamment). Quant au gel des avoirs, on nage en plein délire. Ridicule et risible, cette sanction n’a pas déstabilisé ni Robert Mugabé ni Omar el Bechir.

Le temps cyclique de la domination est-il fini ?
Sûrement pas. Peuple affamé n’a point d’oreilles. La crise ivoirienne et les révolutions arabes n’accoucheront pas de grands changements. Des relais locaux continueront toujours le sale boulot. Car la question n’est pas seulement le soulèvement ou la résistance. Pour faire tomber les siècles de domination, il faut de la patience, de l’unité et de l’organisation. Aujourd’hui, un vent de liberté semble souffler sur les terres d’Afrique, à condition que les africains saisissent cette opportunité pour tout remettre à plat. L’Occident n’est pas seulement présent à travers les représentations diplomatiques. Il est aussi présent à travers des multinationales qui ont un poids tout aussi énorme que les Etats. Le cas de Elf, et sans oublier les empires américains qui contrôlent les circuits des matières premières sont là pour nous le prouver. Sans oublier la Chine dont le silence dans la marche du monde traduit tout aussi une stratégie de domination.
L’Afrique est à la croisée des chemins. Elle doit saisir cette opportunité pour penser un nouveau modèle de développement qui ne soit pas celui des pays occidentaux basé sur la prédation des richesses géologiques des autres pays, la destruction de la planète et le mépris des non-occidentaux. L’Afrique grâce au talent conjugué de ses dignes fils et filles peut montrer un autre chemin au monde basé sur le respect à la fois de l’environnement et de l’Autre.

jeudi, février 24, 2011

Yamina Benguigui menacée, après son échange houleux avec Eric Zemour

Depuis son clash avec le polémiste Éric Zemmour, Yamina Benguigui est inquiète. Si l'échange qu'elle a eu avec le chroniqueur de France 2 sur le plateau d''On n'est pas couché' a été musclé, elle ne pensait pas qu'il pouvait avoir un tel retentissement. Éric Zemmour avait critiqué la réalisatrice à propos de son nouveau téléfilm, 'Aïcha 2' diffusée le 2 mars prochain sur France 2 : il lui reprochait d'édulcorer la réalité, évoquant le syndrome "Plus belle la vie" dans son travail de "bobo de banlieue".

Depuis lors, Yamina Benguigui, qui est aussi adjointe au maire de Paris, en charge des droits de l'homme et de la lutte contre les discriminations, a reçu des menaces explicites. Dès lundi 21 février, elle a découvert des mails menaçants à son bureau de la Mairie de Paris. Elle a confié au Parisien qu'elle est victime "de propos racistes et menaçants, qui dépassent le discours habituel de l'extrême droite". Son assistante a également rapporté des appels du même acabit, dont l'un était sans détours : "On va vous défigurer, on va vous exploser la gueule"... La réalisatrice est inquiète : "Avec la vie que j'ai eue, je n'ai jamais eu peur de rien. Pour la première fois, j'ai peur !"

Il semble, en outre, que ces attaques s'adressent à la réalisatrice et son assistante mais également aux comédiennes Farida Khelfa et Saïda Jawad qui se trouvaient sur le plateau de Laurent Ruquier, aux côtés de Yamina Benguigui. Car selon cette dernière, contactée par la rédaction de PurePeople : "Le fait de voir trois femmes arabes ensemble à la télévision déclenche des insultes, c'est inacceptable. Depuis dix-sept ans que je travaille sur ces sujets-là, je n'ai jamais eu de telles réactions," s'est-elle émue.

Faisant preuve de sang-froid, Yamina Benguigui refuse de blâmer son contradicteur. Elle n'impute pas la poussée de haine dont elle est victime à Éric Zemmour : "Je ne lui en veux pas, je ne le tiens en aucun cas responsable de cela. C'est une frange de la société qui se défoule sur les femmes d'origine maghrébine. De plus, les tensions actuelles dans le monde arabe provoquent des inquiétudes et certains cherchent des boucs émissaires".

La situation est en tous cas prise très au sérieux par la mairie de Paris qui a mis à la disposition de la réalisatrice un agent de sécurité. Yamina Benguigui est également placée sous protection policière. Une enquête a été ouverte pour retrouver les auteurs de ces menaces.
(Photo © ABACA)

Sources voila.fr

Toi, moi les autres, de Audrey Estrougo

Une banale histoire d’amour. Un gosse de riche englué dans une vie bien rangée tombe amoureux d’une fille de la « téci » comme dirait les jeun’s. De la soupe cinématographique servie de surcroît avec plein de bons sentiments. Puisque le film se veut aussi un plaidoyer contre les expulsions d’Africains. Comme si la légèreté de la vie du franchouillard devait se conjuguer avec la gravité de la vie des métèques. Ceux que certains français considèrent toujours comme des étrangers venus manger le pain des Français. Et comme tout le monde le sait, les seules images des noirs et des arabes dans la tête d’un français : les premiers sont des "sans papier miséreux" et les seconds des minoritaires en galère et vindicatifs. Nous sommes au 21ème siècle, les cinéastes français manquent toujours d’imagination lorsqu’il est question d’enfants d’immigrés. Y-a-t-il des raisons à cela ? On peut en esquisser quelques unes.

Peut être que ceux qui pensent ces films sont d’abord des élus des beaux quartiers qui ne voient la banlieue et ses indésirables immigrés qu’à travers le prisme des clichés télévisuels. Ou encore leur vie est tellement pauvre en sensations que de temps en temps ils se voient obliger d’intégrer des personnages immigrés sans relief pour une histoire de subventions. Parce que c’est à la mode en ce moment. Un peu comme plus belle la vie. La fiction qui cartonne sur France 3 et qui fait jouer des comédiens issus de la diversité. En tout cas je me pose des questions ?

Revenons à notre film du jour. Deux personnages portent ce film. Il y a d’un côté, la beurette qui incarne le personnage de Leïla (leïla Bekhti), et de l’autre Gab (Benjamin Siksou), le beau jeune homme ténébreux qui va succomber au charme de cette dernière. Jusque là tout va bien. La beurette veut devenir avocate, alors que le beau Gab en pleine fiançailles prépare son mariage dans la plus grande insouciance. Jusqu’au jour où il croise le regard de Leïla dans une rue de Paris. Il vient de renverser le petit frère turbulent de sa future dulcinée. Et c’est le coup de foudre. Une rencontre peu banale, mais le reste du film va se banaliser jusqu’à se perdre dans une avalanche de clichés et de bons sentiments. Puisque Leïla n’est pas seule. Elle est avec les « autres ». Son père, son petit frère, son pote d’enfance qui rêve toujours de faire sa vie avec elle, et surtout son amie « Tina », une africaine sans-papier sous le coup avec sa fille d’une expulsion.
Nous sommes donc en plein « oui-ouisme » dont parle Zemour, même si je n’apprécie pas les prises de position de ce polémiste. Tout le monde est beau, tout le monde est gentil. Liberté, égalité, fraternité.
Comme si cette banale histoire d’amour qui d’ailleurs tend à se banaliser dans le show biz français avait besoin d’un peu de gravité. Comme si les états d’âme de la réalisatrice et sa co-scénariste se parfumaient un peu d’humanité à peu de frais. Non non. Il faut arrêter avec ça. Salon de coiffure afro grouillant de « personnages bavards », travello beur excentrique (depuis chouchou de Gal Elmaleh), grosse mama africaine au sourire niais, jeunes de banlieue désœuvrés au coin des rues etc. et puis arrive le beau, le bon français qui vient faire de l’humanitaire sentimental (j’exagère un peu). Il est touchant, maladroit, ignore tout de la cruauté de son administration face aux faibles donc (les immigrés). Le « héros blanc » et les pauvres victimes immigrés. Franchement, c’est dégoulinant. Ensuite, le héros se rebelle contre sa société, sa famille, sa fiancée, il se découvre une fibre de militant. Enfin, soyons sérieux…

Oui les expulsions est un thème sérieux qui ne mérite pas d’être traité avec légèreté dans une comédie musicale, qui sous prétexte de gravité dans le bocal « tranquillou » du franchouillard s’offre un peu quelques couleurs. Mais alors dans quelles conditions et à quel prix ? Ce manichéisme est exaspérant. Ces figures de la pauvreté d’un côté et celles de la réussite de l’autre, il faut changer de disque. On aimerait presque que les gosses de riches devenus réalisateurs sortent un peu de leur bulle. Les descendants d’immigrés ne sont pas des éternelles victimes. Ce sont des gens qui se battent chaque jour, parfois au péril de leur vie pour survivre dans une société qui leur est à priori hostile. Et ils n’attendent pas la main tendue d’un « franchouillard » pour se sortir de la galère. Pour terminer, chapeau à Leïla Bekhti, très imposante dans le film. A elle seule elle remue la comédie, tandis que son compère très touchant, au demeurant, peine à assumer le film jusqu’au bout. Au final on passe du bon temps mais contrarié par le scénario peu abouti et politiquement naïf. Allez Audrey il y a du boulot encore !

Toi moi les autres, réalisé par Audrey Estrougo.

mardi, février 22, 2011

Côte d'Ivoire : mission impossible pour l'UA, mission divine pour Gbagbo ?

L’Union Africaine : la mission impossible ?

Après sept tentatives de médiation qui se sont toutes soldées par un échec, voici un panel de quatre chefs d’états membres de l’organisation africaine au chevet de la Côte d’Ivoire. Le panel qui devait au départ être composé de cinq membres a été réduit à quatre en raison du désistement du burkinabé Blaise Campaoré, jugé persona non grata en Côte d’Ivoire par les partisans de Laurent Gbagbo. Au final, c’est un quatuor composé de Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Jacob Zuma (Afrique du Sud), Idriss Déby (Tchad) et Jakaya Kikwete (Tanzanie) qui est arrivé à Abidjan depuis ce lundi pour tenter de recoller les morceaux de ce qui reste de cette crise politique postélectorale. C’est la mission de la dernière chance avant l’embrasement total de ce pays de cocagne ouest africain. Embrasement, le mot est peut être fort. Mais la politique de la terre brûlée décidée par la communauté internationale pour endiguer et étouffer le camp Gbagbo y ressemble bien à s’y méprendre. Fermeture des banques, injonction à des entreprises internationales de ne pas s’approvisionner en cacao ivorien etc… C’est du lourd. Dans l’histoire des relations internationales, on n’a jamais vu une telle débauche de sanctions s’abattre sur un seul pays et pour une historiette de contentieux postélectoral. Une « simple histoire d’élections », comme dirait Calixthe Beyala…

La communauté internationale, l’UA en manque de crédibilité…

Il ne fait aucun doute que la communauté internationale et l’UA, soient aujourd’hui des entités totalement décrédibilisées aux yeux des peuples africains pour leur partialité dans cette crise. L’UA, après plusieurs hésitations, a fini par s’aligner sur les positions de son bailleur de fonds qui n’est autre que l’Union européenne. La question qui se pose : quelles cartes en main dispose ce panel pour tenter d’éteindre le feu en Côte d’Ivoire ? S’il s’agit d’intimer l’ordre à Gbagbo de quitter le pouvoir, les quatre chefs d’état, à coup sûr, recevront, une fin de non recevoir. S’il s’agit de proposer un gouvernement d’union nationale, la médiation peut réussir à condition que les parties en présence acceptent ce deal par défaut qui pourrait éviter à la Côte d’Ivoire de sombrer encore plus. Mais quelque soit la solution, ce sera une victoire à la Pyrrhus. Trop de rancœurs, trop de haine, trop de tergiversations, trop de morts, trop d’ingérence qui finiront par exploser tôt ou tard.

Dans ce salmigondis postélectoral, certains intellectuels estiment à tort ou à raison que l’avenir de l’Afrique se joue en ce moment en Côte d’Ivoire. Calixthe Beyala qui s’est beaucoup mouillée dans cette crise appelle même les ivoiriens à faire preuve d’imagination. Ce qu’ils vivent va servir à l’ensemble des peuples africains qui ont du mal à couper le cordon ombilical avec le système de la Françafrique. En gros il faut saisir l’occasion pour ne plus se plaindre de la domination et la main mise extérieure.

Côte d’Ivoire en mission divine ?

Si l’UA est en mission impossible avec son panel, la Côte d’Ivoire elle semble aux yeux de certains en mission divine. Des voix s’élèvent partout pour exhorter le peuple ivoirien à un courage titanesque. Facile à dire, difficile à faire surtout lorsque l'on sait que les africains font davantage confiance à leur ventre qu’à leur conscience. Il se lit sur cette crise quelque chose qui nous dépasse. Tous les peuples africains ont les yeux rivés sur la CI. Et ce n’est pas un hasard. D’aucuns disent qu’une mission a été donné au peuple ivoirien de servir de guide à l’Afrique entière. C’est l’occasion rêvée de reconquérir la dignité piétinée des fils et filles d’Afrique avec la complicité des nôtres au profit de lugubres intérêts étrangers. Le temps de la peur, de la mendicité est révolu. Il est même conseiller au président Gbagbo de créer une monnaie ivoirienne afin de rompre définitivement avec le Franc colonial.

Un « boulanger » rentre dans l’histoire

Le boulanger le plus célèbre de l’histoire de la politique mondiale est-il en train de réussir sa pâte ? La réponse n’est pas facile, même les nombreux soutiens dans toute l’Afrique y compris dans le monde arabe dont il bénéficie rend cet homme presque providentiel. En tous les cas, Gbagbo, mort ou vivant, le restaurateur de la paix en Côte d’Ivoire est définitivement entré dans l’histoire pour avoir dit non aux injonctions et diktats de la communauté des intérêts des pays impérialistes qualifiée abusivement de communauté internationale. Celui qui a donc mis fin à l’hernie nationaliste de l’ivoirité en permettant la tenue d’élections libres sous la houlette d’une commission noyautée et infiltrée par d’opposants notoires sortira ainsi par la grande porte. Laurent Gbagbo ne sera certainement pas le messie que la Côte d’Ivoire attend ni l’Afrique entière qui lui a témoigné son soutien massif malgré une campagne médiatique internationale particulièrement hostile à son égard. Il n’est pas un saint, mais qui l’est dans ce monde rempli d’opportunistes ?

Le retour de Noemie Lenoir après sa tentative de suicide

Noémie Lenoir, le top-model aux yeux de chat et à la silhouette parfaite, demeure une icône de beauté et une actrice avec un avenir radieux. Mais, si la jeune femme sait prendre la pose avec le sourire, dans l'intimité, elle a été rongée par des souffrances terribles qui l'ont conduite à l'âge de 30 ans, en mai 2010, au pire. Elle a tenté de mettre fin à ses jours dans la propriété de Claude Makele, le père de son fils âgé de 6 ans.

Mutique depuis lors, Noémie Lenoir a accepté de sortir de son silence. Elle a raconté cette triste page de sa vie dans une interview exclusive au quotidien britannique The Guardian : "En mai dernier, j'ai fait quelque chose vraiment, vraiment stupide. Je vivais à New York et je suis retournée à Paris, pour prendre un nouveau départ avec le père de mon fils. C'était un grand changement (...) Je suis venue tout droit de New York pour vivre dans la maison de Claude, et je voulais vraiment que ça marche, et cela n'a pas fonctionné. Il m'a fait mal... alors j'ai décidé... Je ne sais pas comment dire ça. J'ai sombré dans une dépression très profonde. Je me sentais vraiment seule."

Sans tabou, la jeune femme a verbalisé sa douleur en prenant du recul : "Après ma... après que j'ai essayé de me tuer, quand je me suis réveillée, j'ai finalement réalisé que Claude n'était pas un homme pour moi, et que je n'étais pas une femme pour lui, je suis trop indépendante et il est trop indépendant aussi..."

Aujourd'hui Noémie Lenoir entretient une relation "cordiale" avec le footballeur : "Tantôt bonne, tantôt mauvaise. Ça va. Ce n'est pas grave, je sais qu'il est un excellent père. Il prend bien soin de son fils. Notre relation est cordiale, nous nous respectons, nous nous parlons au téléphone au sujet de Kelyan. Mais nous ne parviendrons jamais à être des amis. C'est terminé entre nous."

Noémie Lenoir renoue aujourd'hui avec le travail et la sérénité. Elle va reprendre en main sa carrière de mannequin et se dévoue à son fils et ses proches. Elle mesure en outre l'incompréhension qu'elle a dû susciter quant à son acte extrême : "Les gens se disent : 'Comment a-t-elle pu faire cela ! Ne pense-t-elle pas à son fils !' Mais ils ne comprennent pas. J'aime tellement mon fils mais je pensais que je n'étais pas assez bien, je pensais que j'étais un poison. Pour moi et pour lui. Quand j'étais déprimée, je croyais que j'empoisonnais sa vie en étant là. Je pensais qu'il serait mieux avec son père et ma mère pour s'occuper de lui. Je ne savais pas que je blesserai quelqu'un, jusqu'à ce que je me réveille à l'hôpital et que je vois ma mère pleurer." Au cours de cet entretien inédit, Noémie Lenoir a clairement voulu démontrer que ce drame personnel appartient au passé à présent.
(Photo © ANGELI)


Sources voila.fr

dimanche, février 06, 2011

Edouard Glissant : Adieu le poète


La voix du poète s'est éteint le 03 février 2011. A 82 piges, Glissant s'en est allé. Mais on ne rend pas hommage aux poètes. Pas facile de trouver les mots justes qui sauront traduire la puissance de leurs vers. C’est ainsi que le Negropolitan préfère se souvenir des mots de l’artiste.
Edouard Glissant comme tout le monde sait a été le penseur de la créolité. Alors qu’il fut l’élève de Aimé Césaire, le petit Glissant voulut sans doute s’émanciper des lumières imposantes de son compatriote. Ce n’est pas dans la négritude qu’il trouvera son salut de poète, mais dans la créolité. Selon lui, la diversité insulaire préfigure déjà le mouvement vers lequel l’humanité s’élance et s’avance. En réalité elle y est déjà. La créolisation, entendue comme le phénomène d’hybridation issu du brassage des peuples et des cultures.
Mais on s’arrêtera là pour ne pas travestir la pensée du poète dont nous ne partageons pas tous les vues. Par exemple, sur l’idée que les sociétés humaines ne pourront pas résister à ce qu’il appelait l’archipelisation du monde. Bien entendue, la réalité sociologique de nos sociétés le disent. Elles sont de plus en plus créolisées, brassées, malaxées qu’on ne peut le nier. En même temps, notre monde est traversé par des contre mouvements qui s’expriment à travers des pratiques politiques, culturelles tendant à froisser ce mouvement d’archipelisation. Alors Tout-monde oui, mais apparement pas pour tout le monde. Adieu l'artiste qui a su faire rayonner l'intelligence ultramarine au delà de son insularité.

jeudi, février 03, 2011

« Dictateur toi-même » : l’insulte à la mode dans les cours des palais présidentiels africains


Le ridicule ne tue pas, dit le dicton populaire. Il semble que nos satrapes des tropiques, au sud du Sahara, aient définitivement érigé ce dicton en principe de gouvernement. Malgré leurs exploits en « do cambua » diplomatique sur la crise ivoirienne, nos roitelets se retrouvent bien comme Gros-jean comme devant. Qui l’eut cru, toute honte bue, ils en sont tous réduits maintenant à l’insulte, « dictateur toi-même », qu’ils se balancent désormais entre eux, pendant que le peuple ivoirien se meurt à petit feu. Il fallait s’y attendre. A cette descente aux abysses « troufignonnesques ». Car dans ce salmigondis postélectoral ivoirien, où pontifes internationaux et pupazzis panafricanistes se prennent encore les pates, aucun monarque ne se risquerait à chercher à paraître plus qu’on ne vaut. Normal, on ne critique pas le chieur d’en face quand on a soi même fait caca dans son froc.

« Dictateur toi-même », quel dictateur tropical peut fièrement promener son derrière en se vantant d’avoir instauré une vraie démocratie chez lui. Aucun. Mis à part l’Afrique du sud et le Ghana dans une moindre mesure, les satrapies tropicales sont des mornes dictatures tranquilles sous perfusion. Avec la complicité des peuples affamés qui cherchent d’abord salut dans la débrouillardise que dans la revendication d’un changement démocratique. Pendant que la rue arabe se mobilise, les rues africaines sont encore endormies par les émanations des derrières par trop encombrés des autocrates africains. Mais pour combien de temps encore…

mardi, février 01, 2011

Côte d'Ivoire : la démocratie au bazooka?

Dans les conditions actuelles où l'on est sommé de choisir une partie contre l'autre selon l'impératif de la lutte à mort, il est difficile de dire quoi que ce soit sur la crise ivoirienne, ses causes historiques, ses significations pour l'Afrique postcoloniale, les modalités de sa possible résolution et ses conséquences sur l'équilibre de la sous-région sans susciter un déchaînement incontrôlé de passions, voire la violence des partisans des deux camps. Par Achille Mbembe et Célestin Monga

Raison et vociférations

Il est pourtant impératif d'apporter autant de clarté que possible sur ses enjeux ; de chercher à entendre raison, au-delà des tragiques événements au cours desquels des civils déjà fort appauvris perdent la vie dans des combats de rue, pendant que les chefs des factions bénéficient de protection et jouissent de toutes sortes d'immunités.

D'autre part, pour sortir de l'impasse, encore faut-il dépasser le dualisme Laurent Gbagbo-Alassane Ouattara. Le projet démocratique en Afrique ne saurait en effet être réduit à une simple mystique électorale, surtout dans les contextes où chefs de guerre sans foi ni loi, vieux fonctionnaires carriéristes et entrepreneurs politiques maniant à la fois l'eau bénite et le feu se servent avant tout des élections comme d'une voie royale pour le contrôle des rentes et toutes sortes d'accaparements.

La crise ivoirienne - tout comme d'autres qui l'ont précédée - impose par contre que l'opinion africaine et internationale se saisisse de nouveau des questions fondamentales qui détermineront l'avenir de la paix et la sécurité des peuples et des États dans cette région du monde. Ces questions sont les suivantes. Comment détermine et valide-t-on, de manière irrécusable, les résultats d'un scrutin dans un pays dont une bonne moitié du territoire est occupée par des rebelles armés combattant un gouvernement que la communauté internationale n'a pas déclaré illégitime ? À qui appartient le droit de statuer sur les contentieux électoraux en Afrique ? Comment fonctionne le principe universel de primauté entre droit national et droit international dans un État où la Constitution n'a pas été suspendue ? L'utilisation de la force militaire par des États voisins ou étrangers pour résoudre des conflits post-électoraux dans un pays indépendant se justifie-t-elle en droit ? Si oui, quels critères démocratiques doivent remplir les pays qui y envoient des soldats ? Et comment se fait-il qu'il y ait eu si peu d'interventions armées alors même que le dévoiement des élections est devenu une pratique courante, et que les contentieux post-électoraux n'ont cessé de se multiplier en Afrique au cours des vingt dernières années ?

Sur un plan similaire, quelle valeur faut-il attribuer aux prescriptions morales proclamées urbi et orbi par la communauté internationale sur un Continent où ses principes, son engouement, sa fermeté et ses sanctions s'appliquent différemment selon le pays et le moment, c'est-à-dire de façon inconsistante, voire arbitraire ? Plus précisément, de quelle légitimité peut se prévaloir une ancienne puissance coloniale qui, de jour, embrasse, soutient, finance, arme et décerne des satisfecits à des autocrates répugnants et, de nuit - juge et surtout partie - entretient des bases militaires dans des pays en conflit tout en se posant en donneuse de leçons de morale et en pontife de la démocratie ?

Poser ces questions alors que dans le cas ivoirien qui nous préoccupe la messe semble avoir été dite ne relève, ni de la provocation, ni de l'appel à l'inaction. Il s'agit au contraire de préalables qu'il faudrait intégrer à toute discussion sur la résolution d'une crise politique devenue le symptôme des déficits structurels des marchés politiques africains d'aujourd'hui, des errements d'une communauté internationale qui se rend trop souvent en Afrique avec le dilettantisme de gens qui vont en safari, et de l'immense colère qu'une décolonisation inachevée et pervertie a laissé dans les esprits de nombreux citoyens et intellectuels africains.

Par ailleurs, ce qui se joue à Abidjan n'est pas qu'une « affaire d'Africains ». Le différend ivoirien interpelle tous les peuples en quête de justice et de liberté. Alors que l'on s'accorde à dénoncer la crise du modèle démocratique y compris dans les vieux pays industriels, les leçons que l'on peut en tirer seraient donc utiles aux citoyens d'autres États de la planète. À l'heure de la mondialisation et des vives contradictions qu'elle ne cesse de produire, il s'agit en effet de redonner vie et substance au projet démocratique à la fois à l'échelle nationale et locale et à l'échelle planétaire, de remettre à jour les termes d'un contrat citoyen qui offre le cadre de stabilité à toute société humaine digne de ce nom, de circonscrire les conditions (forcément extrêmes) dans lesquelles le recours à la force peut être une option dans les relations entre États et au sein des États, et de réévaluer les conditions et modes d'engagement des acteurs internationaux dans les crises régionales et nationales.

Deux vérités incompatibles

Une élection a donc bel et bien eu lieu en Cote d'Ivoire. Officiellement, l'organisation des opérations pré électorales et du scrutin présidentiel ont duré trois ans (2007 à 2010). Elles auraient coûté 261 milliards de francs CFA, soit environ 57.000 francs CFA par votant. Sur cette somme, l'État de Cote d'Ivoire (c'est-à-dire les pauvres contribuables de ce pays où le revenu mensuel par habitant est de moins de 60.000 francs CFA aurait payé 242 milliards, soit 93%.

Élu en octobre 2000 lors d'un scrutin qu'il n'avait pas organisé, Laurent Gbagbo avait été finalement reconnu et accepté comme Président de la République par la classe politique ivoirienne. Moins de deux ans plus tard, alors que personne ne remettait plus en cause sa légitimité, son régime avait été la cible d'une sanglante tentative de coup d'état. Ni Alassane Ouattara, ni Henri Konan Bédié, ni la CEDEAO, ni la France, ni la communauté internationale n'avaient, à l'époque, proposé une intervention militaire pour protéger un gouvernement dont tous reconnaissaient pourtant la légalité.

Au contraire, les promoteurs du putsch avorté de septembre 2002 ont bénéficié des honneurs de la République. Ils ont occupé militairement la moitié nord du pays qu'ils ont gouverné à leur guise, et leur chef a fini par se faire nommer Premier ministre. Le mandat présidentiel de Laurent Gbagbo s'étant achevé en 2005, il est quand même resté au pouvoir, estimant à tort ou à raison que le contrôle d'une partie du territoire par la rébellion armée lui imposait de demeurer à la magistrature suprême jusqu'à ce qu'une solution de sortie de crise soit trouvée.

Nul ne conteste que l'élection présidentielle de 2010 s'est déroulée dans des conditions peu optimales - la « partition » de fait du territoire national, une souveraineté passablement ébréchée en conséquence de divers compromis boiteux, et un processus inachevé de désarmement de la rébellion. La Commission Électorale Indépendante (CEI) chargée, d'après la Constitution et la loi électorale d'organiser les élections et d'en proclamer les résultats provisoires selon le mode du « consensus » n'a pu le faire dans le délai officiel des 72 heures après la fermeture des bureaux de vote. Ses 31 membres n'ayant pas pu trouver le « consensus » requis par les accords signés par les parties, son Président s'est fait conduire en pleine nuit par deux ambassadeurs occidentaux au siège de campagne du candidat Alassane Ouattara pour proclamer unilatéralement ce dernier vainqueur.

S'appuyant sur des allégations d'irrégularité et de fraudes dans certaines régions du pays, le Conseil Constitutionnel qui, en tant qu'organe juridique suprême en matière électorale, avait seul la prérogative de proclamer les résultats définitifs, a annulé les résultats à ses yeux truqués du scrutin dans les trois départements de la Vallée du Bandama. Sans demander que les élections y soient reprises, que les chiffres sur les procès-verbaux soient revalidés ou que les votes y soient recomptés, il a proclamé Laurent Gbagbo vainqueur. Conséquence : les deux candidats s'arc-boutent chacun sur sa position malgré la frivolité des faits sur lesquels ils s'appuient, l'opprobre dont ils sont l'objet dans certaines zones de la Cote d'Ivoire, les menaces de guerre que leur entêtement fait peser sur le pays, et les risques mortels auxquels ils s'exposent et exposent leurs compatriotes.

Depuis lors, deux logiques incomplètes s'affrontent. Pour les uns, tout se ramène à une affaire de vandalisme électoral. Il suffit alors, comme le réclament à cor et à cris les hérauts de la « démocratie par procuration », que la « communauté internationale » se hisse à hauteur du défi. La mise en quarantaine, l'étranglement financier et l'interdiction de voyager ne suffisant pas, une petite intervention chirurgicale conduite par les armées de la sous-région viendrait s'ajouter à la panoplie des moyens nécessaires pour extirper l'usurpateur, contraindre le larron - unilatéralement désigné ? - à la fuite, procéder à son assignation devant la Cour Pénale internationale, voire le « liquider » simplement.

S'étant avérés incapables de mobiliser leurs troupes aux fins de défense de ce qu'ils affirment être les résultats du suffrage universel au besoin par la voie d'un soulèvement populaire, une partie des Ivoiriens et de leurs alliés externes cherche maintenant à sous-traiter la besogne à des supplétifs africains - eux-mêmes probablement originaires de pays où des élections démocratiques n'ont jamais eu lieu, tragique ironie aujourd'hui concevable seulement en Afrique. Sans doute armés, encadrés et soutenus sur le plan logistique par un cartel de pays occidentaux, ils sont invités à verser leur sang et celui de quelques milliers d'Ivoiriens dans une aventure dont les fondements en droit international et en droit ivoirien n'existent pas. Les apparences de la démocratie dans ce qui fut autrefois le joyau de l'Afrique francophone seraient ainsi sauves. Et chacun s'en irait la conscience allégée, mais sans que la vieille demande de justice universelle à l'égard de l'Afrique et des Africains - qui était au fondement de la lutte pour une véritable décolonisation - ait progressé d'un pas.

Pour d'autres encore, tout ceci n'est qu'un complot - un de plus - ourdi contre le dernier des prophètes anti-impérialistes, et peut-être un jour martyr de la lutte pour la « seconde indépendance » d'un continent pillé depuis des siècles par des prédateurs de tous bords.

Quant aux États occidentaux - ceux-là même qui n'ont cesse d'invoquer la liberté, les droits de l'homme et la démocratie, mais qui n'hésitent jamais à les fouler aux pieds chaque fois qu'il s'agit de vies de nègres - l'appui indéfectible et multiforme, actif ou silencieux, prodigué depuis 1960 aux régimes de partis uniques, aux caporaux et autres kleptocrates en civil, aux guerres de sécession (cas du Katanga et du Biafra en particulier) et à toutes formes de répressions sanglantes sur le Continent a fini d'oter toute crédibilité à leurs sermons.

Dans ce procès qui dure depuis un demi-siècle déjà, ce que l'on appelle « la communauté internationale » n'est pas en reste. Qui, toutes générations confondues, ne se souvient en Afrique du meurtre de Patrice Lumumba, premier Premier ministre démocratiquement élu de la République du Congo, assassiné le 17 janvier 1960 avec la complicité silencieuse de l'ONU ? Plus près de nous, cette « communauté internationale » n'a-t-elle pas fermé les yeux sur les génocides du Rwanda, au Darfour, ou en République Démocratique du Congo ? La liste est en effet longue des « bonnes dictatures » que les propriétaires de la bonne conscience mondiale continuent de sponsoriser à travers la planète et dont les dirigeants criminels sont reçus sur tapis rouges et à coups de fanfare à Paris, Londres, Washington ou Bruxelles.

Les trafiquants d'élections en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Biélorussie, en Libye, en Éthiopie, en Égypte, et dans de nombreux autres pays ne dorment-ils pas tranquilles ? La toute-puissante et généreuse communauté internationale ne continue-t-elle pas de leur déverser chaque année des dizaines de milliards de dollars d' « aide financière » ? Quant au Premier ministre kenyan Raila Odinga que l'Union africaine a affublé du titre pompeux de médiateur de la crise ivoirienne, rappelons simplement qu'il a accepté 1.500 morts dans son pays après l'élection présidentielle de décembre 2007 avant d'entrer dans le gouvernement d'un Président qu'il qualifiait la veille de « tyran sanguinaire ». Pour le reste, bien des dictateurs crapuleux n'ont pas hésité à enfourcher le cheval du nationalisme et du panafricanisme pour justifier désordre et chaos.

Le voleur de boeufs et le voleur de poules

Il faut donc revenir aux constats de fond. Le premier est qu'aux élections de 2010, la Cote d'Ivoire a été piégée par l'architecture juridico-politique dont elle s'est hâtivement dotée pour résoudre la crise des dix dernières années. Tant que cette architecture est en place, chaque consultation électorale majeure risque de déboucher sur les memes impasses.

Deuxièmement, il est désormais difficile, voire impossible, de déterminer avec exactitude lequel des deux candidats a gagné de manière incontestable le scrutin présidentiel des 31 octobre et 28 novembre. L'un et l'autre disposent de demi-arguments pour justifier leur position et défendre leur cause. Mais aucun ne dispose de toute la vérité.

Troisièmement, si guerre il doit y avoir, elle sera avant tout une guerre contre les civils, comme nous l'ont malheureusement appris tant d'expériences récentes.

Au demeurant, rivalisant de cynisme, les deux prétendants au trône (et leurs affidés) le savent parfaitement. Le premier semble se résigner à l'idée d'en être la première victime. Il rêve peut-être de célébrer ses propres funérailles à la manière des hommes riches au temps de l'esclavage - au milieu d'une flambée de sacrifices humains, en utilisant si nécessaire ses parents, clients et captifs comme gages et dommages collatéraux.

En appelant publiquement à une guerre d'extirpation menée par des armées étrangères dans son propre pays et contre une partie de ses compatriotes, le second voudrait accéder à la magistrature suprême par la fenêtre, en marchant sur les cadavres de ses concitoyens et en instrumentalisant vaille que vaille les instances sous-régionales et internationales, lorsqu'il ne se laisse pas instrumentaliser par elles, et en contractant auprès de ses soutiens externes une lourde dette secrète qu'il fera payer, le moment venu, par toutes sortes de capitations, privilèges extra-territoriaux et abandons de souveraineté.

Certes, celui qui appelle à la guerre n'a pas le même niveau de responsabilité morale que celui qui pourrait en être la principale cible. Mais tous les deux sont unis par une funeste dette de mort dont l'enjeu premier n'est pas la démocratie, mais l'accaparement des rentes sur fonds de relance des procédures de l'inégalité et, dans les deux cas, par le biais d'une intensification des conduites d'extraversion.

Il convient d'autre part de souligner que dans cette Afrique postcoloniale, la situation ivoirienne est somme toute prosaïque. Ce n'est pas la première fois - et ce ne sera sans doute pas la dernière - que l'on fait face à des perdants qui refusent de s'en aller et à des prétendants qui, voulant éviter le dur et patient travail de mobilisation de leur société, se démènent pour arriver au pouvoir dans les fourgons des armées étrangères d'occupation. Voleurs de boeufs contre voleurs de poules, c'était le cas récemment au Zimbabwe et, dans une large mesure, au Kenya. D'intervention armée, il n'y en eut point malgré l'ampleur du délit.

Que dire des successions de père en fils au Congo-Kinshasa, au Togo et au Gabon, ou encore des hold-ups électoraux à répétition au Cameroun et dans presque toutes les satrapies de l'Afrique centrale, en Guinée, au Burkina-Faso, en Mauritanie, en Ouganda, au Rwanda et au Burundi, en Éthiopie, en Érythrée et ailleurs ? La réponse de « la communauté internationale » ? Nul émoi. C'est qu'à l'heure actuelle, il n'existe, ni dans le droit international, ni dans les conventions africaines (ou d'ailleurs étrangères), aucune clause prévoyant le recours à une force extérieure pour fonder la démocratie ou restaurer celle-ci à la suite d'un contentieux électoral.

Le dévoiement des élections dans le cadre du multipartisme en Afrique est une question historique et structurelle. Le coût des élections en vies humaines n'a cessé d'augmenter au cours des vingt dernières années. Bien peu de ces exercices auront été conduits dans la transparence, dans des conditions de légitimité incontestables. Qui s'étonnera qu'en de si funestes circonstances, leurs résultats ne soient que rarement acceptés par tous les protagonistes ?

Pis, elles sont devenues le moyen privilégié de conduire la guerre par d'autres moyens. Dans maints pays en effet, nombreux sont ceux qui, mis dans l'impossibilité de voter, ont été pratiquement déchus de leur citoyenneté. Le formidable déséquilibre entre les ressources accaparées par les partis au pouvoir et celles des formations de l'opposition est tel que la compétition est faussée dès le départ. Tout est réquisitionné par les partis gouvernementaux : l'appareil d'Etat, la bureaucratie, la police, la garde prétorienne, l'armée et les milices, la télévision nationale, l'ensemble des magistrats et la cour constitutionnelle, sans compter les deniers publics.

Dans certains cas, il n'y a pas jusqu'à la « commission électorale indépendante » qui ne soit sous la botte du gouvernement. Par ailleurs, il n'est pas rare qu'elles soient précédées ou suivies par un couvre-feu, quand ce n'est pas par une déclaration d'état d'urgence. Alors qu'elles sont supposées consacrer l'idée de la souveraineté du peuple, peu nombreux sont les Etats qui peuvent les financer de manière autonome. La plupart des gouvernements dépendent partiellement ou entièrement de subsides étrangers pour en assurer l'organisation. Cette tutelle financière étrangère ne s'apparente pas seulement à de la corruption indirecte. Elle jette un discrédit sur la capacité des Africains à se gouverner eux-memes.

Hormis les rares cas de l'Afrique du Sud, du Botswana, de l'Ile Maurice et, dans une moindre mesure du Ghana, les élections constituent donc l'un des baromètres les plus trompeurs de la démocratisation des régimes africains postcoloniaux. Moment privilégié de cristallisation des conflits historiques, elles servent surtout à exacerber les antagonismes déjà présents au sein des pays considérés. Il est, de ce point de vue, significatif qu'elles aient été au point de départ des conflits meurtriers les plus récents, ou en tous cas de graves crises qui menacent durablement l'existence de maints États. Au cours des vingt dernières années, les violences pré- et post-électorales ont inévitablement conduit à des désordres civils et, souvent, à d'innombrables pertes en vies humaines, à des destructions spectaculaires de la propriété et à des déplacements parfois massifs de populations. Celles-ci sont ensuite abandonnées aux mains d'organisations humanitaires qui, pour justifier leur propre existence et activités, comptent de plus en plus sur la militarisation des désastres et catastrophes du Continent lorsqu'elles n'appellent pas directement à l'ingérence externe.

Quel droit d'ingérence ?

Parce qu'elle menace désormais la sécurité, la stabilité et le progrès des Africains, la question du respect du verdict des élections doit être abordée avec un minimum de profondeur historique et stratégique. Les contentieux électoraux ne seront pas réglés par la boite de Pandore que sont les interventions militaires ad hoc, mais par la constitution, sur la longue durée, de nouveaux rapports de force entre l'État et la société et entre les classes sociales en voie de cristallisation. Il appartient aux Africains et à eux seuls de conduire ce travail.

Aucun diktat d'aucune ex-puissance coloniale ne saurait s'y substituer. Les Africains seuls doivent décider s'ils veulent mettre un terme aux crises post-électorales à répétition. S'ils optent pour l'usage de la force (solution qui traduit par définition un déficit d'imagination morale), ils devront s'entendre au préalable sur des principes de droit collectivement négociés et qui s'appliqueraient à tous les cas sans exception. Pour être légitimes, de telles interventions armées (forcément rarissimes) devraient être entièrement financées par les Africains eux-memes.

Du Kosovo à l'Irak, de l'Iran à l'Afghanistan, du Moyen-Orient en Amérique Latine, l'on ne saurait oublier combien la politique des « deux poids, deux mesures » a plombé au long des années la légitimité des interventions des puissances occidentales dans les affaires d'autres États. À l'appliquer en Afrique, cette politique risque d'ouvrir de nouvelles fractures et fronts d'hostilité entre États du Continent. Quelle crédibilité auraient des soldats nigérians, nigériens, gambiens, togolais ou burkinabé arpentant les quartiers d'Abidjan à la recherche de la démocratie ? Il faut en effet faire preuve soit d'un strabisme notoire, soit de haine de soi ou de mépris invétéré des Africains pour justifier qu'au sein de la CEDEAO, des régimes issus de putsch militaires ou classés comme des dictatures sur l'indicateur Freedom House aillent « sauver la démocratie » dans des pays tiers.

En plus d'accentuer la logique qui fait des élections un jeu à somme nulle, la politique des « deux poids, deux mesures » encouragerait les tentatives d'instrumentalisation des instances internationales par des acteurs crapuleux, voire alimenterait guerres ethniques et tentatives de sécession - toutes choses absolument contraires aux intérêts de l'Afrique. L'alternance régulière au pouvoir en Afrique ne peut guère être fille du droit d'ingérence. Le « droit d'ingérence » n'est pas un droit. Il est une perversion du droit. Exception faite des situations d'extrémité (cas des génocides), les appels au « droit d'ingérence » visent surtout à consacrer l'asymétrie au coeur des relations internationales. Dans le cas de l'Afrique, il faut craindre que le « droit d'ingérence » ne soit, in fine, que l'équivalent du « droit de conquête » et d'occupation qui, au temps de la colonisation, justifiait l'asservissement des « races inférieures », c'est-à-dire justement celles qui, de force, avaient été déclarées incapables de se gouverner par elles-mêmes.

Sortir du piège électoral

Serions-nous par conséquent condamnés à la paralysie et à l'inaction ? Non, certes.

Dans le cas de la Cote d'Ivoire, il ne reste malheureusement qu'une palette de mauvaises solutions. S'il est désormais impossible de déterminer de façon indiscutable sur la base de procès-verbaux non falsifiés qui a gagné les élections ; si les deux prétendants au trône peuvent compter chacun sur une certaine force militaire et mettre dans la rue des dizaines de milliers de partisans convaincus de leur bon droit et décidés à en découdre, alors le scénario d'une révolution démocratique visant à neutraliser Gbagbo ou Ouattara n'a pas beaucoup de chances de réussite. D'ailleurs, il est de plus en plus évident, quelle que soit l'issue de la confrontation, qu'aucun des deux hommes ne pourra, à moyen ou long terme, gouverner sereinement la Cote d'Ivoire entière et tenir les rênes de l'État sans se lancer dans des « purges » de l'administration et des chasses aux sorcières dans l'armée ou au sein de la population, faisant ainsi le lit de la prochaine rébellion ou de la prochaine tentative de putsch.

L'on pourrait, à la limite, envisager la partition du pays et un divorce par consentement mutuel, à l'exemple de l'ancienne Yougoslavie. Mais une telle solution n'est pas seulement écartée par les deux « Présidents ». Les grands ensembles ethno-régionaux de Cote d'Ivoire - notamment dans le sud - sont très hétérogènes et les populations y sont tellement mélangées que les déchirements et le coût économique et humain d'un éclatement seraient insupportables.

Le bras de fer qui consiste à étouffer le régime de Laurent Gbagbo à coup de sanctions internationales, de retraits d'accréditation d'ambassadeurs nommés par lui, d'exclusion de ses représentants au sein des instances politiques et économiques régionales - y compris de l'Union économique et monétaire ouest-africaine et de la Banque centrale des États d'Afrique de l'ouest -, de fermeture des guichets de la BCEAO, de menaces d'embargo sur les exportations de cacao qui sont avant toute chose la principale source de revenu de millions de pauvres paysans, pourrait plonger davantage la Cote d'Ivoire dans une crise économique et financière profonde et durable dont souffrirait l'ensemble de la sous-région. À cet égard, le recours à l'asphyxie monétaire comme instrument de combat politique révèle les véritables enjeux de la Zone franc. Celle-ci montre enfin au grand jour son vrai visage d'union monétaire asymétrique, de vestige du pacte colonial, de camisole de force bridant la compétitivité et la flexibilité des économies africaines et de piège politique pour tout adversaire désigné à la vindicte des pontifes de la bonne conscience internationale.

Si l'on écarte l'hypothèse d'un nouveau coup d'état militaire à la Nigérienne qui neutraliserait les deux principaux protagonistes du conflit actuel et certains de leurs affidés, il reste alors une dernière (mauvaise) solution - celle qui consisterait à reprendre le second tour de l'élection présidentielle, dans de meilleures conditions de surveillance et de décompte des voix, notamment par les Ivoiriens eux-mêmes.

Dans tous les cas, si les Ivoiriens doivent sortir de l'impasse dans laquelle ils se trouvent et retrouver les chemins d'une réconciliation durable, il n'y a guère d'alternative à une négociation entre les parties en conflit, à un renouveau de l'imagination morale et institutionnelle, et à une refonte radicale de leur système politique. Cette réforme pourrait prendre la forme d'une conférence nationale de laquelle sortirait une assemblée constituante. À une nouvelle constitution fondée sur le principe d'une décentralisation fédérative viendrait s'ajouter une réforme du scrutin. Celle-ci inclurait, de nécessité, une dose de proportionnelle à même d'assurer une représentation minimum de la diversité des « terroirs », tandis qu'un président fédéral honorifique serait élu au suffrage universel.

Cela dit, il n'y aura pas de progrès de la démocratie en Afrique tant que les Africains ne seront pas à même de choisir librement leurs dirigeants, c'est-à-dire, également, de congédier ceux d'entre eux dont ils ne veulent plus. Afin de parvenir à un renouvellement des élites, de la culture et des pratiques du pouvoir, il est absolument impératif que le nombre de mandats à la tête de l'État soit limité et que l'alternance au pouvoir devienne une réalité. L'une des raisons de l'enkystement des structures politiques africaines est bel et bien l'impossibilité dans laquelle se trouvent bien des peuples de se débarrasser pacifiquement de tyrans décidés à mourir au pouvoir.

Mais pour que les conditions d'une alternance pacifique soient réunies, il faut repenser de fond en comble la politique, l'économie et l'architecture des élections. Ce remodelage doit être l'œuvre des Africains eux-mêmes qui se doteraient, à l'occasion, d'un cadre juridique et de moyens de pression contre les pouvoirs délinquants. Ces moyens de contrainte pourraient inclure - dans de très rares cas étroitement circonscrits - des interventions militaires. La démocratie ne se réduit cependant, ni au multipartisme, ni aux élections même si elle est impensable sans ces ingrédients. De graves divisions traversent les sociétés africaines contemporaines. La plupart sont exacerbées par l'accélération de leur structuration objective en classes antagonistes, même si pour le moment, la conscience de classe est sinon détournée, du moins subsumée par d'autres formes de subjectivation. Dans ces conditions, le jeu démocratique dans le continent ne saurait être un jeu à somme nulle. Il est par conséquent impératif que soient « constitutionalisés » les statuts et droits de l'opposition et que, là où cela est possible, le gouvernement par coalitions l'emporte sur l'arithmétique purement majoritaire.

De façon plus décisive encore, un effort intellectuel colossal doit être consacré non seulement à l'approfondissement du sens de la démocratie elle-même, mais aussi à une extension progressive de ses multiples dénotations dans les conditions africaines contemporaines. Ceci implique que, dans la mise en forme des institutions de la démocratie, l'on prenne au sérieux la morphologie complexe des sociétés et surtout les pratiques quotidiennes par le biais desquelles les gens s'efforcent de soigner le lien social là où il a été endommagé, d'entretenir le minimum de cohésion nécessaire à la reproduction de la vie, bref de « faire communauté ».

Si les Africains veulent devenir les initiateurs d'une impulsion potentiellement innovatrice pour la démocratie dans le monde de notre temps, alors ils doivent arrêter de réciter les catéchismes et de psalmodier les versets des autres et faire oeuvre de créativité et d'imagination philosophique, politique et institutionnelle. Ils doivent forger une alternative historique à un modèle postcolonial de pouvoir qui, un demi-siècle après la décolonisation, ne sait toujours se nourrir que de la mystique du sang versé et ne sait, en conséquence, vivre que de la mort en masse de ceux qu'il est supposé servir.

Dans un contexte où l'inégalité des personnes semble mieux tolérée que l'exclusion des sujets, c'est au principe représentatif lui-même qu'il faut donner un nouveau contenu politique et juridique. Le but en la matière ne serait certes pas de pérenniser l'inégalité en tant que telle, mais de multiplier les répertoires grâce auxquels l'on conjuguerait désormais systématiquement différence et inclusion, afin justement que nulle composante du corps politique ne soit abandonnée sur le bord du chemin. Au demeurant, compte tenu des réalités socio-anthropologiques du Continent, aucune expérience d'auto-gouvernement ne saurait faire fi de l'existence objective d'une pluralité de corps titulaires de pouvoirs divers. Il n' y a pas jusqu'à l'idée même de société civile qui ne doive être repensée en fonction de cette multiplicité. Faute d'un déplacement substantiel de ses différentes dénotations dans différents contextes, l'idée de la démocratie en Afrique sera réduite à l'état de simple surface, vidée de tout contenu positif ; et loin de refléter la volonté du peuple, les élections resteront des moments de condensation explosive de conflits anciens - la guerre de tous contre tous.

Pour le reste, le besoin de transformations radicales n'a jamais été aussi pressant qu'aujourd'hui. Mais les forces sociales capables de porter ces transformations semblent manquer à l'appel. C'est à les rassembler et à les nourrir qu'appelle le présent. Telle est l'aride tâche à laquelle doivent s'astreindre les mouvements sérieux d'opposition et la coalition de tous ceux qui, contre la spirale dégénérative, veulent entreprendre la construction d'une liberté neuve en Afrique. Celle-ci doit redevenir son propre centre, sa force propre. Si, pour y parvenir, la guerre est inévitable, alors le Continent devra apprendre à choisir judicieusement ses guerres, faute de quoi consciemment ou non, il se fera chaque fois enrôler dans celles d'autrui, avec des conséquences chaque fois plus catastrophiques pour son avenir.

Achille Mbembe est l'auteur de Sortir de la longue nuit. Essai sur l'Afrique décolonisée (Paris, La Découverte, 2010).

Célestin Monga est l'auteur de Nihilisme et négritude (Paris, PUF, 2009).

Sources : médiapart