jeudi, février 24, 2011

Toi, moi les autres, de Audrey Estrougo

Une banale histoire d’amour. Un gosse de riche englué dans une vie bien rangée tombe amoureux d’une fille de la « téci » comme dirait les jeun’s. De la soupe cinématographique servie de surcroît avec plein de bons sentiments. Puisque le film se veut aussi un plaidoyer contre les expulsions d’Africains. Comme si la légèreté de la vie du franchouillard devait se conjuguer avec la gravité de la vie des métèques. Ceux que certains français considèrent toujours comme des étrangers venus manger le pain des Français. Et comme tout le monde le sait, les seules images des noirs et des arabes dans la tête d’un français : les premiers sont des "sans papier miséreux" et les seconds des minoritaires en galère et vindicatifs. Nous sommes au 21ème siècle, les cinéastes français manquent toujours d’imagination lorsqu’il est question d’enfants d’immigrés. Y-a-t-il des raisons à cela ? On peut en esquisser quelques unes.

Peut être que ceux qui pensent ces films sont d’abord des élus des beaux quartiers qui ne voient la banlieue et ses indésirables immigrés qu’à travers le prisme des clichés télévisuels. Ou encore leur vie est tellement pauvre en sensations que de temps en temps ils se voient obliger d’intégrer des personnages immigrés sans relief pour une histoire de subventions. Parce que c’est à la mode en ce moment. Un peu comme plus belle la vie. La fiction qui cartonne sur France 3 et qui fait jouer des comédiens issus de la diversité. En tout cas je me pose des questions ?

Revenons à notre film du jour. Deux personnages portent ce film. Il y a d’un côté, la beurette qui incarne le personnage de Leïla (leïla Bekhti), et de l’autre Gab (Benjamin Siksou), le beau jeune homme ténébreux qui va succomber au charme de cette dernière. Jusque là tout va bien. La beurette veut devenir avocate, alors que le beau Gab en pleine fiançailles prépare son mariage dans la plus grande insouciance. Jusqu’au jour où il croise le regard de Leïla dans une rue de Paris. Il vient de renverser le petit frère turbulent de sa future dulcinée. Et c’est le coup de foudre. Une rencontre peu banale, mais le reste du film va se banaliser jusqu’à se perdre dans une avalanche de clichés et de bons sentiments. Puisque Leïla n’est pas seule. Elle est avec les « autres ». Son père, son petit frère, son pote d’enfance qui rêve toujours de faire sa vie avec elle, et surtout son amie « Tina », une africaine sans-papier sous le coup avec sa fille d’une expulsion.
Nous sommes donc en plein « oui-ouisme » dont parle Zemour, même si je n’apprécie pas les prises de position de ce polémiste. Tout le monde est beau, tout le monde est gentil. Liberté, égalité, fraternité.
Comme si cette banale histoire d’amour qui d’ailleurs tend à se banaliser dans le show biz français avait besoin d’un peu de gravité. Comme si les états d’âme de la réalisatrice et sa co-scénariste se parfumaient un peu d’humanité à peu de frais. Non non. Il faut arrêter avec ça. Salon de coiffure afro grouillant de « personnages bavards », travello beur excentrique (depuis chouchou de Gal Elmaleh), grosse mama africaine au sourire niais, jeunes de banlieue désœuvrés au coin des rues etc. et puis arrive le beau, le bon français qui vient faire de l’humanitaire sentimental (j’exagère un peu). Il est touchant, maladroit, ignore tout de la cruauté de son administration face aux faibles donc (les immigrés). Le « héros blanc » et les pauvres victimes immigrés. Franchement, c’est dégoulinant. Ensuite, le héros se rebelle contre sa société, sa famille, sa fiancée, il se découvre une fibre de militant. Enfin, soyons sérieux…

Oui les expulsions est un thème sérieux qui ne mérite pas d’être traité avec légèreté dans une comédie musicale, qui sous prétexte de gravité dans le bocal « tranquillou » du franchouillard s’offre un peu quelques couleurs. Mais alors dans quelles conditions et à quel prix ? Ce manichéisme est exaspérant. Ces figures de la pauvreté d’un côté et celles de la réussite de l’autre, il faut changer de disque. On aimerait presque que les gosses de riches devenus réalisateurs sortent un peu de leur bulle. Les descendants d’immigrés ne sont pas des éternelles victimes. Ce sont des gens qui se battent chaque jour, parfois au péril de leur vie pour survivre dans une société qui leur est à priori hostile. Et ils n’attendent pas la main tendue d’un « franchouillard » pour se sortir de la galère. Pour terminer, chapeau à Leïla Bekhti, très imposante dans le film. A elle seule elle remue la comédie, tandis que son compère très touchant, au demeurant, peine à assumer le film jusqu’au bout. Au final on passe du bon temps mais contrarié par le scénario peu abouti et politiquement naïf. Allez Audrey il y a du boulot encore !

Toi moi les autres, réalisé par Audrey Estrougo.

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