lundi, mai 21, 2007

Sur la Visibilité problématique des Noirs à l'écran



Une des grandes questions que pose notre rapport à l’image est celle de la mémoire. Quelle mémoire construire sur la base de la typification catégorielle systématique de notre expérience sociale ? Quelle histoire laissée aux générations futures ? Que faire des témoignages bricolés par d’autres au nom de leurs intérêts propres, sur la base des faits sociaux traumatisants renforçant les stéréotypes et les catégories coloniales ? Comment penser l’éducation de nos enfants face à la panoplie des représentations grossières qui inondent la vision de l’homme noir ? Si l’image ne soigne pas les maux d’un pays, d’une communauté, d’une nation, difficile de nier en revanche son poids symbolique dans l’imaginaire collectif. L’image, bien entendu, ne s’ajoute qu’au social. Elle n’est qu’un des aspects par lequel la société s’affiche à l’individu. C’est un prélèvement sur le corps social des fragments de vies humaines ou non-humaines. C’est une manifestation secondaire de la nature. Le paludisme, la malaria, le choléra, le SIDA, la fièvre Ebola, la lèpre, les catastrophes naturelles font partie de notre présent douloureux. L’image médiatique n’y est absolument pour rien. Elle ne saurait être responsable de ces réalités déplorables. Sa fonction première est celle de zoomer sur le mal social pour le présenter comme à la loupe. Mais son statut de prisonnière des logiques culturelles, politiques, idéologiques trahit son rôle de témoin neutre des horreurs dont elle se fait l’écho. En montrant d’une certaine manière ces drames, elle tend à produire des normes implicites. C’est ainsi que le Continent noir sera naïvement perçu par le spectateur lambda européen comme un pays de calamités, pauvre et sans ressources et ses habitants comme des fainéants bons à rien attendant tout de l’Occident. De la même manière, nos enfants continueront à propos de l’Afrique, à croire à la fable d’un Continent sans raison, sans histoire. D’une façon générale, les morceaux d’images prélevées sur le corps social que nous livre la télévision constitueront demain une des matières premières de notre mémoire future. Alors la question qui vient automatiquement à l’esprit est la suivante : que peut-il arriver si le véhicule dominant que nous ayons à l’heure actuelle pour perpétuer cette mémoire affecte la dynamique de construction identitaire ? Comment rétablir de la continuité historique demain si nous négligeons, l’image, un des outils actuels de perpétuation de la mémoire ? Comment redonner confiance aux jeunes générations dont l’éducation aura été nourrie d’images tronquées, incomplètes, fausses, décalées de notre présent ? Ce qui est sûr c’est que la l’entreprise de désaliénation culturelle ne pourra se faire sans la déconstruction de certains modèles, schèmes de pensée et paradigmes eurocentristes inconsciemment intériorisés en raison du travail d’inculcation, d’imposition symbolique de l’image.



Extrait, d'un article de C. N., sur la visibilité problèmatique des Noirs à l'écran.

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