lundi, mai 21, 2007

Cybernégrothérapie, les fils et filles de Cham en quête d’identité ?

Phénomène emblématique du malaise noir, les e-blocs-notes sur l'histoire et la culture kamite (noir en égyptien ancien) fleurissent comme des champignons sur la toile. Leurs promoteurs, de jeunes noirs d'origine africaine ou antillaise animés par un indéniable « désir d'Afrique », mais surtout par le besoin d'un ressourcement que provoque leur vécu souvent problématique en Occident sur fond de discriminations et d'humiliations persistantes. Si l'apparition de ces blogs semble avant tout correspondre avec un besoin d'expression de cette jeunesse noire, leur enfantement est difficilement dissociable d'un sentiment de révolte face au mûr qui s'est dressé entre elle et la société française.
La récente immixtion soudaine et inattendue des Noirs français dans l'espace public hexagonal encore largement homogène semble aller de pair avec un autre phénomène moins connu apparu dans la blogosphère : la Cybernégrothérapie. Vite résumé, il désigne le processus d'occupation de l'espace public virtuel par la jeunesse noire sur la base de la connaissance et de la réappropriation de « son» Histoire, l'Histoire des peuples négro-africains. A défaut d'une présence effective et respectueuse de leur différence dans les médias généralistes hexagonaux, les jeunes noirs se tournent vers le Web, média, individualiste et libre par excellence. Avec des « productions taillées sur mesure » correspondant sûrement aux attentes et aux aspirations d'une jeunesse en quête d'identités et de repères.
Antérieur à la médiatisation récente de la communauté noire en France, le phénomène des blogs consacrés à l'histoire et la culture Kamite s'est vite répandu, tel un feu de brousse, moins par contagion imitative que par un réel besoin de ressourcement. Il symbolise au regard de leurs contenus une forme de prise de conscience pour cette jeunesse se trouvant dans un « entre-deux identitaire » ici et là bas, dans une société française où elle a plus que le sentiment de ne pas être considérée. D'un blog à un autre, le malaise ressenti au sein de la société d'accueil est palpable. Tel un miroir grossissant, le blog, investi comme espace de prise de parole, donne à voir les éléments de cette souffrance commune entre enfants d'Afrique et d'Antilles sur fond d'interrogations multiples sur le passé et l'avenir.
Dans cette étonnante production virtuelle, aux allures de thérapie de groupe, porteuse de nouvelles solidarités entre fils et filles de la diaspora, il est des réalités qui circulent d'un journal à un autre : le besoin d'histoire. L'Histoire avant tout pour comprendre le « déficit de mémoire » et panser « ses » plaies non encore cicatrisées. Leitmotiv commun à tous les e-bloc-notes, la réhabilitation de cette « mémoire » se traduit souvent par l'exhumation des pages d'histoires occultées. De l'esclavage aux crimes coloniaux et postcoloniaux. A travers quelques clichés montrant les souffrances endurées par les esclaves, lass-less, annonce la couleur dans son blog en posant les questions suivantes : "Y aurait-il un tabou sur la traite et l'esclavage ? La France a-t-elle du mal à aborder cette période peu glorieuse de son passé ? Et d'ajouter, « malgré la promulgation, en mai 2001, de la loi Taubira reconnaissant «la traite négrière et l'esclavage [comme] un crime contre l'humanité», la population d'origine afro-antillaise réclame un effort supplémentaire ». Effort que les autorités françaises ont commencé à entreprendre avec l'instauration d'une "Journée des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions ». Dans le sillage du précédent, le blog d'Afro04 s'ouvre sur un génocide oublié, celui des Aborigènes noirs de Tasmanie perpétré par les colons Britanniques entre 1803 et 1830. Pendant cette période, poursuit-il, les Tasmaniens « furent réduits à une population estimée de cinq cents personnes à moins de soixante-quinze individus ». Dans le même élan, plusieurs blogs ont choisi de rendre aux morts du passé victimes de l'esclavagisme ou du colonialisme leur dignité. A l’image de celui de Minzitawedo qui parle des « oubliés ». « Ceux », Précise-t-il, « dont l'Histoire n'a pas voulu retenir les noms ni les œuvres parce qu'ils revaloriseraient notre race ». A l’instar également de celui de Kayaman95 dédié entre autres aux marrons mauriciens qui ont payé chère leur capture ou encore celui du blogueur Africanboy01, montrant les instruments de torture des esclaves. Comme si ce passé tragique ne pouvait autoriser l'amnésie.
Plongeant volontairement leurs lecteurs dans la « férocité blanche », les blogs afrocentriques réactivent le lien ethnique entre fils et filles de la diaspora avec comme facteur structurant la redécouverte du patrimoine culturel ancestral. Le blog Renaissance kamite est à ce titre éloquent. Son auteur, Nsemi, c'est son pseudo, se pose en guide virtuel en proposant de remonter jusqu'aux sources de la civilisation antique égypto-nubienne afin de s'affranchir de « l'esclavage mental ». Un blog qu'il dédie « à la communauté Noire francophone « victime inconsciente", selon lui, d'un système qui la maintient dans la servitude intellectuelle et économique ». Si le ton employé est parfois virulent, le propos reste souvent à la mesure de ce qu'il propose de dénoncer sans détours comme la falsification de l'histoire du Continent noir. Ce blog se réclame aussi ouvertement du mouvement de la Renaissance kamite à travers la glorification de l'œuvre de Cheikh Anta Diop. A travers quelques portraits de personnages historiques, Conscience noire, un des blogs incontournables sur ce « besoin de mémoire et d'histoire », vous bouche un coin. Il vous apprendra, à votre grand étonnement, à l'aide des documents d'époque surprenants et loin des stéréotypes actuels, que des « Noirs vivaient en France, en Espagne, en Italie, en Angleterre et au Portugal où ils exerçaient le pouvoir dans certaines régions... Ils habitaient dans les châteaux forts et étaient naturellement respectés ». Toujours selon son auteur, « cette présence Nègre en Europe, étalée sur plusieurs siècles, va inspirer considérablement les poètes français du Moyen Age ainsi que bons nombres d'artistes et d'historiens qui vont nous laisser des témoignages de leur passage. Dans l'épopée "La chanson de Roland", enseignée par exemple au lycée, les adversaires de Roland sont justement ces chevaliers Noirs menés par le roi Massile. Et Roland a été vaincu par ces chevaliers Noirs ».
Outre le retour sur l'histoire, l'hommage rendu à la femme noire est l'autre thème récurrent des blogs afrocentriques. Dans ce registre, Afrodivine, a choisi, elle, de s'arrêter sur quelques grandes figures historiques de l'Egypte nègre, de la résistance anti-négrière ou encore anticoloniale. De Ahmès Néfertari à Madame Taubira, en passant par la légendaire Reine Makeda, la reine Nzinga du Royaume Congo, Angela Davis, Rosa Parks ou encore Kimpa Vita et Harriet Tubman. Ce qui amène Alliancekamit, qui abrite une organisation du même nom, à poser la question suivante « qui a dit que nous n'avions pas de modèles » ? Dans son blog qui se propose d'éveiller les consciences, c'est une affiche qui vous interpelle rassemblant pêle-mêle les mini-portraits de ces héros que tout kamite qui se respecte se doit de connaître allant de Marcus Garvey à Thomas Sankara en passant par Martin Luther King, Lumumba, Malcom X, Cheikh Anta Diop etc... Dans le même esprit, une autre blogueuse, Bantukelani, se dit « consciente des luttes de mes ancêtres et des Africains contemporains, des mensonges au sujet de nôtre histoire, et je n'ai pas peur de la révolution ». Dans une hymne à la gloire de la femme kamite, elle lance un appel virtuel à tue tête : « Où sont ces femmes Africaines qui veulent être libres ? Où sont ces sœurs militantes et mystiques, indomptables et raffinées, ces oiseaux captivantes qui étendent leurs ailes pour le futur bonheur de nos peuples ? Où sont ces sœurs - guerrières qui désirent voir leurs familles libérées (...), où sont ces sœurs qui veulent éduquer leurs enfants (...) ?
La construction d'un discours sur la mémoire va de pair avec la légitimation d'un passé glorieux comme si nos blogueurs ressentaient le besoin pressant de corriger les failles d'une éducation qui ne leur a pas donné les moyens de se connaître eux mêmes. C'est à ce juste titre que le blogueur Nsemi invite son lecteur « (...) à transmettre aux plus jeunes la grandeur de nos ancêtres et la magnificence de leurs valeurs ». Et d'ajouter « Le peuple Noir (kamite) est le peuple qui a l'histoire la plus grandiose, la plus prestigieuse qui soit. (... ) Très peu le savent, y compris parmi nous même ! ». Ce contre quoi s'élève Nubienne01 qui a décidé dans son blog, « Réveille toi peuple d'Afrique », de partir en croisade contre cette ignorance du peuple noir, "(...) ignorance de sa grandeur, de son histoire, de son aliénation (...). Une aliénation sournoise qui semble incontournable mais que nous jeunes générations, nous devons de combattre ». Plus loin c'est la photo montrant les prénoms des 14 enfants décédés tragiquement dans les incendies parisiens d'août 2005 qui retient l'attention, précédée d'un commentaire laconique qui en dit long, « 14 enfants de trop, 14 innocents... ». Ici les images d'un présent douloureux côtoient celles d'un passé tragique occulté comme le montre la tête du résistant ivoirien empalé sur un pieu par quatre colons français. Ainsi, sur fond de réappropriation de l'Histoire, le discours de construction identitaire se double d'une interrogation sur les problématiques actuelles : immigration, intégration, discrimination, racisme, image et présence problématique des Noirs dans les médias hexagonaux, sans-papiers etc... Tout y passe ou presque sur le ton parfois de l'humour et de l'ironie.
Ni moralisateur ni complaisant, le discours d'un retour impératif sur l'histoire dessine les traits majeurs d'une jeunesse noire en quête de sens au regard de sa situation actuelle. Il signe également l'émergence d'une conscience communautaire transcendant les différences d'origine. La connaissance de l'histoire « de son peuple » est présentée comme un préalable indispensable pour une prise de conscience effective. Nombreux sont, d'ailleurs, les blogueurs qui n'hésitent pas à recommander à leurs lecteurs leurs ouvrages de prédilection ayant façonné leur conscience de jeune noir. Véritable passage obligé, la lecture des ouvrages fondamentaux, qu'on ne présente plus comme Nations nègres et culture de Cheikh Anta Diop au Sens de la lutte contre l'africanisme euro centriste du Professeur Théophile Obenga, en passant par The stolen legacy de Georges James ou encore They came before Colombus du Professeur Ivan Van Sertima , restent incontournables pour forger sa conscience nègre et asseoir sa culture identitaire. En se positionnant sur le créneau de la réhabilitation de l'histoire, les blogueurs afrocentriques entendent faire partager leur passion pour la culture et l'histoire du monde noir, mais surtout restaurer l'image d'un peuple ternie par des siècles d'humiliation et d'oppression.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

c'est Shemsou Hor qui a fait ce blog ^v^ parce que ce texte je l'ai déjà lu sur son site .
En plus je l'ai dans mes archives en pdf ^0^ .

Anonyme a dit…

Qui est Shemsou Hor ? Il a du copier coller comme certains font sur le web. Mais l'article est de Césaire Nganga qui l'a fait diffuser via le site Kemmiou.
Bien à vous

Anonyme a dit…

Je faisais la remarque parce qu'il n'y a pas le nom de l'auteur sinon Shemsou Hor est le webmaster de Kemmiou ^v^ .

Anonyme a dit…

Sinon j'ai vu ton blog, il est sympa et je crois que c'est dommage que tu aie arrêté d'après ce que j'ai lu.