mercredi, mai 27, 2009

Slam dit avec Delphine II à l’Inside Bar

19h50. C’est l’heure à laquelle j’arrive à l’Inside Bar. La peau du lieu m’interpelle, car le Pub est reconnaissable à sa devanture très tendance qui tranche avec les façades voisines. Il n’y a pas grand monde. Depuis l’entrée, j’aperçois une silhouette que je reconnais. C’est Delphine II, une femme debout. Devant le bar, elle échange quelques mots avec un ami d’enfance, serveur dans cet endroit chaleureux au décor tamisé sur fond de mûrs rouges foncés. Je suis un peu impressionné. C’est la première fois que je la vois. Je l’imaginais plutôt menue, mais c’est un beau brun de fille que je découvre ornée d’une coupe afro tendance. Je fonce sur ma muse du jour. Elle semble ne pas être disponible. Elle s’active sur les préparatifs. Entre plateaux de bonbons et paquets de jus d’orange, elle s’arrête tout de même. Les présentations sont faites, elle me confond avec un certain blogueur bien connu de la place. Je rectifie le tir avant d’embrayer sur les questions d’usage. Entre temps, les blagues fusent entre elle et sa complice du jour sur fond de pied de grue. Et le temps passe et je m’impatiente.

Petit à petit, l’espace de l’Inside Bar se remplit. Look plutôt de jeun’s, les convives ont l’air de tous se connaître. On devine certains slammeurs à l’allure nonchalante, la tête dans les nuages. Ensuite vient le temps de la performance. C’est la maîtresse des cérémonies elle-même qui ouvre le bal. En digne héritière de Kemet, Delphine II demande à son assistance d’observer une minute de silence pour l’enterrement du fils d’un proche pour ne pas le nommer. (Paix à son âme). Après cette prière, c’est une fièvre qui envahit soudain la salle aux allures de « mbogui » (lieu de la palabre en Afrique). Perchée en haut de la scène improvisée, Delphine II envoûte son auditoire. Elle dédie son premier slam au conservateur de l’Île de Gorée Boubacar Joseph Ndiaye décédé en février. Ces mots en hommage au goréen nous embarquent dans ce lieu emblématique de la souffrance noire d’où elle revenue transformée.

Le ton est donné. Ensuite c’est autour de Layone, un jeune venu du rap, de nous ensorceler à travers un dépliage de l’alphabet façon Gilles Deleuze aux dires d’un spectateur visiblement emballé. Sauf que cette fois-ci il est question de l’insoutenable condition de l’humain. Tour à tour l’abcdaire prend l’allure d’un décryptage des maux de l’homme, de A comme Arme, en passant par H de l’hopital etc. Confinant la performance verbale à un déshabillage des lettres de leur contenant pour en faire ressortir le signifié tabou, interdit. Au fil de la déclamation, le dire slam devient subitement performatif. Tels de jets de sort transformant le corps de la cible. A l’instar de ce slam qu’il dédie aux personnes handicapées. Touchant et plein d’humanité. Pourquoi nous avons ce regard condescendant envers eux ? se demande-t-il.

C’est à ce moment précis qu’un autre slammeur nommé Sadrak vient enfoncer le clou, transportant son public dans les méandres de sa réflexion philosophique sur sa propre expérience d’homme. Une voix de velours, coupe rasta, ce slammeur est à lui seul tout un programme. Un vrai conteur dans l’âme. Mais il aime jouer avec les mots dont la trame narrative repose sur un questionnement personnel mais toujours dans le désir profond de bousculer les « allants de soi ». Parfois comique, son slam dit est assorti d’onomatopées empruntées aux langues africaines (zoungoulou, zoungoulou) à l’instar de « Je viens de la brousse ». En écho à ce chant de la brousse, le slammeur Grand Nico donnera la réplique en répondant à la question que lui posait une de ses conquêtes dans une vie antérieure « Mais qui tu es ? ». Plutôt une définition de l’ « identité de soi », l’intéressé répondra en substance que « je suis ce que je suis au moment où je suis ».

Il est bientôt 23h, la soirée arrive à son terme. Entre temps, d’autres figures se sont exprimées. A l’image de ce jeune garçon, une dizaine d’années seulement, et déjà une carrure de slammeur. En voyant ainsi les aînés, il dit qu’il n’a plus honte de le faire devant ses copains de classe. L’amour comme la maladie sont déclamés, le tout dans une ambiance bon enfant. Le rendez-vous est déjà pris pour le dernier mardi du mois de juin.


4 commentaires:

nubiennes a dit…

Tu as bien retranscrit l'ambiance .Cette soirée slam avait l'air intéressante ^v^ .
Alors ,tu es sous le charme ^0^ .

cnx a dit…

Oui c'était très sympa. Je suis sous le charme et je t'assure que le slam il faut le vivre, c'est corporel, c'est physique, ça m'a rappelé les conteurs du bled qui te transmettent pas seulement une émotion mais autre chose...voilà.

Anonyme a dit…

La prochaine fois, il faut m'emmener ! Ton texte me donne envie d'y aller !

La lionne

cnx a dit…

Avec un grand plaisir je t'y emmenerais. Je te l'avoue j'étais plus que emballé. Bises la Lionne warrrhooo.