Alors que nos frères déportés de l’île d'Haïti continuent de faire face à l’insurmontable tragédie, des voix sur le continent se font entendre. Parmi lesquelles, celle du président sénégalais Abdoulaye Wade qui veut offrir une patrie à nos frères des îles. "On les a déportés là-bas (...) sur cette terre inhospitalière. Ce n'est pas eux qui l'ont choisi (...) On peut les aider à la reconstruction, mais il faudrait leur créer une patrie en Afrique".Un son un peu étrange dans le concert des hommages rendus aux milliers de victimes. Dans le même temps, c’est le président de la RDC qui s’offre une publicité mondiale en promettant aux haïtiens un chèque de 2 millions de dollars, alors qu’il se montre incapable de guérir les maux de ses concitoyens livrés à eux-mêmes depuis des décennies. Ces initiatives pour généreuses qu’elles soient ne vont pas sans provoquer l’hilarité de plus d’un africain au regard de la situation quotidienne des millions d’Africains.
Mais de qui se moque t-on ? Voilà des chefs d’états qui dirigent des pays exsangues, minés par des conflits tribaux, la corruption et la bêtise généralisée sévissant comme un mal atavique incurable, se livrent à la spéculation et à la surenchère verbale sans aucune retenue. Comme si le malheur inqualifiable des haïtiens prêtait le flanc à toute sorte de tribunes. Comme s’il s’agissait d’un concours de pets de celui qui fera le plus de bruit. Dans l’histoire du Continent, il y a déjà eu des exemples de retour qui sont loin d’être des histoires d’enfants. En effet, le retour d’anciens esclaves libérés au Libéria s’est déroulé dans la douleur pour de multiples raisons qu’on ne citera pas ici. Ceci pour dire que la proposition de Monsieur Wade est tout simplement surréaliste, voire d’une bêtise inqualifiable.
Bien entendu nos frères déportés des îles peuvent revenir sur le Continent quand ils le veulent et où ils veulent. C’est leur terre avant tout, la terre de leurs ancêtres, leur vraie patrie. Mais c’est à eux de décider. Les Etats africains pourraient même mettre en place des passeports spéciaux pour tout déscendant d'escalve qui veut retourner sur la terre ancestrale. Toutefois, il faut faire remarquer que le problème haïtien, et d’une manière générale, le problème noir n’est pas une question géographique, ni migratoire. C’est une question ontologique qui dépasse la géographie, les frontières et les problématiques migratoires. Penser résoudre les problèmes des haïtiens par un simple changement de lieu d’habitation est non seulement d’une bêtise affligeante, mais c’est aussi un acte criminel. Autoriser une deuxième déportation, même dans le sens du retour, c’est refuser à l’homme noir la capacité à vivre, à survivre, à créer. Bref à se mouvoir dans le mouvement et le sens de l’Histoire. C’est une forme de renonciation qui ne sied qu’à des êtres faibles, sans ingéniosité, ni créativité comme les dirigeants africains incapables de transformer la terre de leurs ancêtres. C’est une forme de lâcheté, de couardise qui autorise à l’homme noir de fuir alors qu’il faut faire face. Pendant l’esclavage, les déportés ont montré de quoi ils étaient capables par le marronnage. Ils ont résisté face l’oppression, face à la mort qui n’était pas souvent loin. Et ce n’est pas un cyclone, un tremblement de terre qui fera fléchir l’homme noir partout où il est confronté à l’adversité, à l’oppression, à la répression, à la tyrannie, à la mort si imminente soit-elle.