Les vacances sont bientôt terminées, Le negropolitan revient avec en guise de rentrée cet article polémique de l'écrivain Raphaêl Confiant qu'on ne présente plus. En le remerciant d'avance de l'avoir reproduit ici pour les Negropolitains. Bonne rentrée à tous !
Je fais partie sans doute des très rares Antillais que le spectacle des finales de course en athlétisme, que ce soit aux Jeux Olympiques, au championnat du monde ou dans tel ou tel meeting prestigieux, plonge dans un profond malaise. Parmi toutes ces courses, la finale du 100m est la pire avec 100% de coureurs noirs.
Alors, j’évite de regarder la télé, je glisse rapidement sur les pages sportives des journaux et je tourne précipitamment le bouton de la radio pour ne pas entendre tous ces journalistes sportifs et autres commentateurs bavards vanter la « puissance des Noirs ». Mais évidemment, quand ce sont les Jeux Olympiques ou les championnats du monde, il est très difficile de se couper complètement de l’hystérie ambiante. On est cerné de partout par tous ces reportages sportifs à n’en plus finir…
Donc, je ressens un profond malaise et les rares fois où j’ai tenté de l’exposer à des Antillais, je me suis fait rembarrer avec des phrases du genre : « Pour une fois que les Noirs dominent dans un secteur, on ne va pas les laisser aux Blancs ! », « Les Noirs sont plus forts physiquement que les Blancs, c’est connu ! Le jour où ils auront accès aux piscines, tous les champions de natation seront des Noirs » et autres explications du même tonneau.
Or, j’en ai rien à cirer de ce que pensent les Blancs !
Ce qui m’inquiète, c’est ce que pensent le milliard 200 millions d’Indiens. Ce qui me préoccupe c’est ce que pensent le milliard et 300 millions de Chinois. Ou les 148 millions de Japonais ou les autres 240 millions d’Indonésiens. Aujourd’hui, les 2/3 de l’humanité sont asiatiques et il y a peu de chances que cette tendance démographique s’inverse.
Donc, oui, je me pose la question de savoir ce que pense un Indien ou un Chinois devant son poste de télé lorsqu’il voit Usain Bolt, le Jamaïcain, gagner le 100m à Berlin en 9 secondes et je ne sais plus combien, immédiatement suivi par dix autres coureurs tous noirs. Ou lorsque ce même téléspectateur indien ou chinois voit des Kenyans et des Ethiopiens gagner systématiquement les courses de fond et le marathon.
Je suppose que cet Indien ou ce Chinois va ouvrir une encyclopédie ou alors se rendre sur Wikipédia pour savoir où se trouvent la Jamaïque, le Kenya ou l’Ethiopie, qui sont ces gens si forts en athlétisme et combien ils sont. Et j’imagine la tête de cet Indien ou de ce Chinois en découvrant que la Jamaïque, par exemple, n’a que 3 millions d’habitants et est grande comme une simple ville asiatique. En bonne logique__les sociologues et les économistes appellent ça la « masse critique »__plus on est nombreux, plus on a de chances de produire des gens de talents, des génies ou des champions. Pour prendre un exemple concret, une découverte scientifique majeure a cent fois plus de probabilité de voir le jour dans une université de 30.000 étudiants que dans une université de 3.000 étudiants.
Or, pourquoi la théorie de la masse critique se vérifie-t-elle dans tous les domaines sauf en sport ?
Car si c’était le cas, il y aurait dû y avoir 5 Indiens et 5 Chinois à la finale du 100m par exemple. Je suis à nouveau assailli par mon fameux malaise et préfère ne même pas essayer de répondre à cette question qui, je le répète, ne préoccupe apparemment aucun Antillais, Noir américain ou Africain, tous pressés d’exulter à chaque victoire de leurs colosses d’ébène.
Alors, j’essaie de penser à autre chose…
Par exemple, je m’intéresse au fait que l’Allemagne a passé en 2004 un contrat d’importation de 12.000 ingénieurs en informatique indiens chaque année. Ou encore au fait que dans les universités des Etats-Unis, 70% des étudiants dans les matières scientifiques sont des Asiatiques alors que les Américains d’origine asiatique ne sont que…2% de la population totale des Etats-Unis. Ou encore qu’en 2005, pour la première fois de l’histoire, le champion du monde d’échecs était un Indien (dont j’ai oublié le nom vu que la grande presse s’est bien gardé de marteler son nom comme elle le fait pour Usain Bolt).
Donc, comment dire, pour ne pas choquer…
Donc, si je comprends bien, y’a des peuples qui investissent dans les neurones et y’en a d’autres qui investissent dans les muscles. Bon, tant que le monde est dominé par l’Occident, ce n’est pas trop grave pour les Noirs car l’Occident est rongé par la mauvaise conscience de l’esclavage et de la colonisation et est en proie au syndrome de la repentance. Et les Noirs savent jouer sur cette mauvaise conscience. Mais demain !
Demain quand le monde sera dominé par l’Asie !
Ni les Indiens ni les Chinois n’ont mis les Noirs en esclavage et ils n’ont aucune mauvaise conscience face aux Noirs. Ils n’ont ni repentance à montrer ni réparations à donner. Pour parler crument, ils n’en ont rien à foutre du petit conflit de cinq siècles entre Blancs et Noirs. C’est pas leurs oignons !
D’ailleurs, on n’a même pas besoin d’attendre demain : l’attitude de la Chine en Afrique dès aujourd’hui le démontre déjà.
J’ai un malaise profond parce que dans un monde bientôt dominé par les Asiatiques, les Nègres qui ont tout investi dans les muscles et pas dans les neurones seront réduits au pire des esclavages. Il n’y aura même pas besoin de fouets, de chaînes ou de carcans cette fois-ci. Et tant pis, si je fâche, je le dis : inventer un nouveau logiciel est mille fois plus important que de courir le 100m en moins de 10 secondes (en supposant que cet exploit ait un importance quelconque pour l’humanité).
Alors, merci Barack Obama, dans un discours récent, d’avoir publiquement dit aux Nègres américains, surtout aux jeunes, de cesser d’avoir comme seul horizon mental le sport et la musique ! Il faudrait qu’un tel discours soit tenu partout où il vivent des Noirs.
Raphaël Confiant