mercredi, janvier 26, 2011

La rue arabe en ébullition montre le chemin aux peuples d’Afrique noire

Après la Tunisie, à qui le tour ? L’Egypte est en train de suivre le chemin tracé par son voisin. L’impatience légitime des peuples arabes cadenassés depuis de longues années par des régimes autoritaires, corrompus, népotistes, s’est transformée en lueur d’espoir. Ces révolutions arabes qu’aucun pays impérialiste, à l’exception des Etats-Unis, n’a eu le temps de prendre la mesure, sont en train de modifier considérablement le visage du Maghreb. Et de l’Afrique, on peut l’espérer. S’il est encore difficile de présumer de quoi que ce soit, il va sans dire qu’elles sont annonciatrices de profonds changements. L’aval des Etats-Unis est sans doute pour quelque chose. Mais déjà plusieurs éléments permettent de comprendre ces révolutions.

Les régimes autoritaires ne sont plus une garantie pour contenir la poussée islamiste

Les pays occidentaux avaient fait le pari sur le soutien aux régimes corrompus en échange de la lutte anti-terroriste. Or presque 10 ans après les événements du 11 septembre 2001, les états majors de ces pays en sont réduits à constater que les foyers terroristes se multiplient et sont loin de s’éteindre. Bien au contraire. Les Etats-Unis l’ont bien compris. L’islamisme radical a un allié qui est la dictature. Il se nourrit incontestablement de l’autoritarisme des régimes au sein duquel il prospère au lieu de le contenir. Certains pays continuent de penser le contraire. A l’instar de la France qui a cru bon de renouveler sa confiance au dictateur déchu Ben Ali alors que ce dernier était acculé dans ses derniers retranchements.
Après les échecs cuisants des pays occidentaux de venir à bout du terrorisme islamiste, et après avoir payer un lourd tribut sur les terres afghanes, il semble que ces derniers soient revenus à la raison démocratique. L’idée que la démocratisation dans les pays concernés pourra endiguer la poussée islamiste fait donc son chemin. Car on peut se demander, qu’arrive-t-il à un jeune sans travail et à qui on dit de la fermer alors que sa bouche a faim ? Au pire il se remet à Dieu.

L’autoritarisme ne fait pas bon ménage avec la pauvreté

Les dictateurs ont tendance à l’oublier même soutenus par des puissances extérieures, il y a un temps pour le peuple. Et ce temps, c’est celui de la colère. Il est vrai que le dynamisme économique de façade de beaucoup de pays du Maghreb nous avait presque laissé sans voix sur fond d’immobilisme politique. L’on se disait finalement que le modèle chinois (libéralisme économique à la sauce autoritaire) pouvait être exportable. En réalité, ce n’était qu’un mirage. Un songe dans une longue nuit blanche.

Ces révolutions arabes : un modèle de lutte pour les peuples sud-sahariens

Les Africains qui souffrent des quatre coins du continent doivent s’inspirer de la rue arabe. Il est possible de chasser les dictateurs qui s’enrichissent sur leur dos en pillant, bradant sans relâche nuit et jour les ressources de leurs pays. Au profit de leur petit clan familial. Ceci dit, les dictatures du sud de l’Afrique ont encore de la marge. Les jeunesses arabes sont cultivées, disposent des ressources intellectuelles et ont accès aux technologies modernes de communication. Ce qui n’est pas le cas des jeunesses africaines, pauvres, sans ressources intellectuelles et végétant dans une sorte de misère technologique. L’état des universités arabes n’est pas comparable avec celui de beaucoup de pays sud-sahariens. A l’image du Congo Brazzaville où les dirigeants de ce pays ont délibérément assassiné l’un des outils de formation de la jeunesse.

lundi, janvier 17, 2011

La lettre testament de Patrice Lumumba

Comme tous les grands hommes, Il savait sûrement quand il allait être livré aux rapaces
Je sais et je sens au fond de moi-même que tôt ou tard mon peuple se débarrassera de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur.

Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés de millions de congolais qui n’abandonneront la lutte que le jour où il n’y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. A mes enfants que je laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu’on dise que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux, comme il attend de chaque Congolais, d’accomplir la tâche sacrée de la reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté, car sans dignité il n’y a pas de liberté, sans justice il n’y a pas de dignité, et sans indépendance il n’y a pas d’hommes libres.

Ni brutalités, ni sévices, ni tortures ne m’ont jamais amené à demander la grâce, car je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays, plutôt que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés. L’histoire dira un jour son mot, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité. Ne me pleure pas, ma compagne. Moi je sais que mon pays, qui souffre tant, saura défendre son indépendance et sa liberté.

Vive le Congo ! Vive l’Afrique !

Patrice Lumumba

vendredi, janvier 14, 2011

Tunisie : du miracle au mirage économique


Je ne peux pas m’empêcher de commencer ce billet sans vous rappeler cet anecdote sur Itélé lors de l’émission de débat « les poings sur l’Info, encore une de ces émissions surréalistes où on analyse ce qui se passe ailleurs à partir des bruits de couloir du Quai d’Orsay. Pitoyable. En effet Joseph Macé Scaron affrontait Yves Thréard. Et c’est l’attitude de ce dernier qui m’a interpellé. Selon analyse : ce qui se passait en Tunisie n’était pas un mouvement du peuple, mais une contestation qui serait téléguidée par des communistes alliés aux islamistes. Donc il fallait faire attention. En réalité son point de vue était celui des autorités françaises depuis le début des émeutes en Tunisie qui consistait à ne rien dire pour ne pas fâcher un ami de la France qui nous a promis de contenir la poussée islamiste en échange d’un soutien ??? aveugle au régime ???.

Mon Dieu comment peut-on avoir des yeux remplis de caca à ce point Mesdames et messieurs, Ben Ali est en fuite ? Vers un paradis terrestre sûrement. Celui des cieux ne lui sera sans doute pas clément. Avis aux roitelets africains qui s’accrochent au pouvoir en pillant leur pays pour le bonheur de leur petit clan familial, le peuple aura toujours le dernier mot. Ce qui se passe en ce moment sur le continent africain en ce début d’année 2011 est un signe avant coureur des mutations profondes voire sanglantes. La Côte d’Ivoire qui ne sait pas toujours à quel roitelet s’accrocher médite encore son sort. Mais bientôt la vérité sera nue. En Guinée où s’est déroulé un semblant de scrutin, pourvu que le calme dure. Ce qui est sûr c’est que le visage de Dieu est grave, sans doute l’heure est grave pour les fils et filles d’Afrique habitués aux humiliations qu’elles viennent de l’extérieur ou de l’intérieur.

Le geste de Dieu

Dieu n’a pas encore dit le dernier mot. Je parle de Dieu comme une métaphore. On ne peut impunément continuer à violer, tromper, voler, humilier des masses sans qu’un jour la loi de dieu frappe. Ceux qui ne l’ont pas compris en auront pour leurs frais. Trop, c’est trop. L’acte de Mohamed Bouazizi qui s’est immolé par le feu est celui par qui la Tunisie va peut être connaître un peu de vrai soleil méditerranée. Terreur, pillage des ressources du pays par le clan familial, clientélisme, corruption tous azimuts, voilà ce que Ben Ali a laissé au peuple tunisien.


Moralité :


Moralité : quand on sert les boulons trop fort, il faut s’attendre que ça pète de tous les côtés

mardi, janvier 11, 2011

Côte d’Ivoire : Les 10 erreurs de Ouattara


1) Ouattara est sorti de la légalité constitutionnelle aussitôt le verdict des urnes proclamé par la CEI. Au lieu de placer son combat sur le terrain juridique en contestant par exemple les annulations effectuées par le Conseil constitutionnel et en réclamant de nouvelles élections transparentes dans toutes zones où il y a eu fraudes, il s’est engagé dans un bras de fer avec le pouvoir sortant. Comme si son souci était d’abord le pouvoir et non la reconnaissance par le peuple ivoirien de sa victoire. Ce n’est pas la communauté internationale qui décrète la légitimité d’un dirigeant, mais le contrat tacite passé entre le futur représentant et le peuple qui lui accorde sa confiance via son suffrage.

2) Il s’est entouré de rebelles après sa victoire pourtant reconnu par la communauté internationale. Or il aurait été plus simple pour lui de se placer sur le terrain de la réconciliation nationale avec un premier ministre neutre. Il a pris Soro, l’ex-rebelle, opportuniste et imposé comme premier ministre par cette même communauté internationale à Gbagbo, qui est une épine dans son pied. Ce qui le décrédibilise complètement en tant que démocrate puisque les intentions de Soro sont connues de tous.

3) Avoir laissé sa communication aux diplomates mandatés par la communauté internationale et à Soro le rebelle aux premières heures de la crise post-électorale. Il aurait dû s’affirmer comme seul maître à bord. Aujourd’hui il apparaît non pas comme un candidat indépendant mais un comme un pion de l’Occident, de la communauté internationale aux mains liées, dans une Afrique plus qu’excédée par les outrances impunies de ce curieux arbitre. Encore une erreur d’apprenti communiquant.

4) Avoir crié haut et fort pour les armes contre Gbagbo alors que son adversaire optait pour le dialogue. Encore une erreur d’apprenti démocrate.

5) Avoir écrit au Conseil constitutionnel qui l’a désavoué alors que sa légitimité semblait sortir des Urnes. Erreur de débutant.

6) Avoir cautionné que les résultats soient rendus publiques à l’Hôtel du Golf où il est retranché avec ses amis. Il aurait exigé que ces résultats mêmes partiels aient été donnés dans un endroit neutre et vierge de tout soupçon.

7) De parler au nom de la communauté internationale dans chacune de ses déclarations et non au nom de l’intérêt supérieur du peuple ivoirien. Dans toutes ses déclarations il mentionne « la communauté internationale nous a donné raison ». Or on sait de quoi elle est constituée cette fameuse communauté internationale. S’il cherche un conseiller en communication, il peut me contacter.

8) D’avoir négligé son allié de circonstance Henri Konan Bédié dont le report de voix au second lui a sans doute été bénéfique. Ce qui a été très mal perçu par les électeurs de Bédié qui lui ont fait confiance, maintenant ils lui tournent le dos au nom du refus de la vassalisation de la CI par la Communauté internationale. Exemple : l’appel à la désobéissance civile n’a même pas été suivi.

9) De n’avoir pas su faire confiance aux institutions ivoiriennes représentant le peuple ivoirien et de s’être rangé derrière la voix de la communauté internationale.

10) Son double discours. Lorsqu’on est démocrate, on va jusqu’au bout de sa logique quand les moyens de contestation le permettent. Il ne l’a pas fait. Lorsque vous êtes persuadé que le droit est avec vous, il ne faut jamais abandonner. La justice finit toujours par triompher.

Moralité : Il faut se méfier des faiseurs de roi, ils ont toujours une idée derrière la tête. Qu’il soit placé par la communauté internationale par tous les moyens au poste de président, Ouattara vient s'ajouter à la longue liste des présidents africains installés de la pire manière au pouvoir par l’Occident dans l’Afrique post-indépendance. Et Gbagbo, mort ou vivant, celui qui aura dit non aux puissances occidentales. Même si cette assertion reste infondée.


Abidjan, comment ça va avec la douleur postélectorale ?

Les dernières News sur la CI font état d'un possible gouvernement d'union national (voir article sur Grioo.om). On change de fusil d'épaule ? Après l'échec de l'appel à la désobéissance civile, après l'échec de la menace militaire, il semble que le camp Ouattara revient progressivement vers la raison.

Le sieur ADO vient peut être de comprendre que l'Afrique a changé, et que l'on ne se décrète pas président sous prétexte que l'on a reçu l'onction de la communauté internationale. Une communauté internationale de plus en plus détestée par la jeunesse panafricaine à cause de ses agissements sans cohérence, paternalistes, impérialistes, voire négrophobes. Il est vrai que Laurent GBAGBO n'est peut être pas l'homme qu'il faut à la Côte d'Ivoire, comme le sont de nombreux roitelets tropicaux. Mais de là à vouloir imposer un président à un état souverain au mépris des conventions internationales relève de l’amateurisme au mieux du brigandage diplomatique.

Il est loin le temps où il suffisait entre pays occidentaux de se passer de coups de fils pour déloger les dirigeants africains récalcitrants. Sauf que désormais les peuples africains ont bien compris la leçon. Endormis hier par manque d’information et de formation, ils ne se risquaient pas à attendre de pied ferme les décisions unilatérales imposées par la violence par les puissances impérialistes. Aujourd’hui ils osent se faire entendre et c’est une bonne chose. Dommage que cela se fasse au profit d’individus aussi peu recommandables que Gbagbo lui-même qu’il ne faut pas vite ranger dans la case de pseudo panafricanistes même s’il a bradé les leviers de l’économie ivoirienne aux hommes d’Affaires français et étrangers.

Ce qui est sûr quelque soit l’issue de ce bras de fer Ouattara-Gbagbo, il est préférable de dire Puissances euro-occidentales contre Gbagbo, via UA et CEDEAO caporalisées, les deux hommes ont contracté une dette envers les peuples africains qu’ils se doivent d’honorer le paiement au risque d’être définitivement rangés dans la case de fossoyeurs des intérêts ivoiriens et africains.

dimanche, janvier 09, 2011

Côte d'Ivoire : la France arme des mains noires

Côte d'Ivoire - Les signes évidents d'une imminente attaque contre la Côte d'Ivoire sont perceptibles. Les chiens de guerre venus de l'Irak et de l'Afghanistan se mettent progressivement en place sur le territoire ivoirien. Deux containers de munitions embarqués depuis le port de Dakar et destinés à l'armée française en Côte d'Ivoire ont été récemment saisis par les autorités ivoiriennes.

Mais la France qui, cette fois-ci, refuse de se salir les mains comme ce fut le cas en novembre 2004 à l'Hôtel Ivoire, à Abidjan où l'armée française a tiré et tué 67 jeunes Ivoiriens aux mains nues, a changé de fusil d'épaule.

On se rappelle encore l'image affreuse de ce jeune homme dont la tête a été broyée par les tirs des chars français, laquelle image a fait le tour du monde. Tirant les leçons de cette entreprise criminelle qui a davantage terni son image sur le continent noir, la France et ses dirigeants actuels, ont décidé d'opposer, cette fois, les Africains, les éternels souffre-douleurs des pays occidentaux, les uns aux autres.

Comme s'il aimait la Côte d'Ivoire plus que les Ivoiriens eux-mêmes, le président français, Nicolas Sarkozy sous le fallacieux prétexte que «Gbagbo refuse de quitter le pouvoir», manoeuvre ferme pour assassiner le président ivoirien. Aussi, ce fils d'immigré a-t-il armé des Africains donc des mains noires aux fins d'accomplir au nom de la France, cette mission macabre.

Pour ce faire, Nicolas Sarkozy a dépêché en Côte d'Ivoire, précisément à Bouaké, la capitale de la rébellion ivoirienne, des cargos militaires qui assurent le transport des éléments de Guillaume Soro et d'Alassane Ouattara en direction du Burkina, du Sénégal et du Nigéria, là où les attendent des instructeurs français chargés de la formation de ces bandes armées.

D'où, la reconstitution de l'Ecomog. Mais à la vérité, ce sont les rebelles ivoiriens qui vont constituer le gros lot de cette force que l'Elysée s'active à déployer en Côte d'Ivoire et dont la mission spécifique serait de déloger le président élu, Laurent Gbagbo et d'installer dans le fauteuil présidentiel ivoirien, Alassane Ouattara, candidat malheureux à la présidentielle de novembre 2010 en Côte d'Ivoire.

Une mission somme toute périlleuse pour toute l'Afrique de l'Ouest et pour laquelle la France refuse d'assumer les conséquences en agissant en sous main sous le couvert de la Cedeao qu'elle a caporalisée. Et dire que la recolonisation de l'Afrique noire a repris de plus belle, il n'y a qu'un pas.

Robert Krassault
Sources : Afrique en ligne

Appel pour une République multiculturelle et postraciale


Lilian Thuram, François Durpaire, Rokhaya Diallo, Marc Cheb Sun et Pascal Blanchard lancent L'Appel pour une République multiculturelle et postraciale, suivi de 100 propositions pluricitoyennes. En kiosque dès le 20 janvier 2010 en supplément au nouveau Respect Mag !

Cinquante ans après l’indépendance des Etats africains, il est temps de poser un juste regard sur un passé qui a des résonances contemporaines sur notre société. L’enjeu : que chacun se sente légitime dans le présent, puisse s’approprier une histoire commune.

Il y a cinq ans, les ‘événements’ dans les quartiers pointent déjà les clivages qui, aujourd’hui encore, menacent l’équilibre de notre société. La société française, riche de la pluralité de ses talents, s’est profondément renouvelée. Par contraste, les élites – politiques, économiques, culturelles – ne parviennent pas à intégrer cette nouvelle dynamique.

Il y a un an, jour pour jour, Barack Obama est investi 44ème Président des États-Unis. L’Amérique prouve alors que l’on peut transcender le poids des traumatismes. Les Français se réjouissent de constater les évolutions de la société américaine longtemps déchirée par les préjugés racistes et la ségrégation. Mais nos élites interrogent-elles leur propre faculté à dépasser le poids des héritages ?

Ce même 20 janvier 2009 est aussi le début de la crise politique qui touche les départements ultramarins d’Amérique et de l’Océan Indien. A cette occasion, les Français de l’Hexagone découvrent la situation des outre-mers, la crise sociale, politique et mémorielle qui les traverse.

La société française peine à intégrer sa dimension post-raciale et multiculturelle. Le débat sur « l’identité nationale » s’impose au pays. Notre mécanique se heurte à un défi majeur : comment ouvrir la République à tous les citoyens qui la composent?

François Durpaire, Lilian Thuram, Rokhaya Diallo, Marc Cheb Sun et Pascal Blanchard lancent mercredi 20 janvier l’Appel pour une République multiculturelle et postraciale, afin d’initier un mouvement citoyen en mesure de tracer la voie du changement. Forts de leurs héritages, les auteurs n’ont pas souhaité réunir des doléances, mais recueillir des propositions constructives, destinées à rapprocher la République de ses principes.

Les signataires de l’Appel ont demandé à 100 personnalités, scientifiques ou chercheurs, responsables politiques ou associatifs, acteurs de la société civile ou militants dans les domaines les plus divers, de formuler une proposition concrète pour irriguer de solutions pratiques une nécessaire réflexion sur notre société.

Les 100 propositions nourrissent l’idée que la « diversité », ne doit pas rester « une bonne intention » cantonnée à « un dossier à part », ou devenir « un terme à la mode », mais être envisagée comme une question propre à reconfigurer l’ensemble de la République, dans le sens du mieux-vivre ensemble.

L’Appel pour une République multiculturelle et postraciale suivi des 100 propositions pluricitoyennes sera diffusé en supplément à Respect Mag (numéro de Janvier/Février/Mars), en kiosque à partir du 20 janvier 2010.

Les 5 auteurs ont cosigné l'appel et ont réuni 100 personnalités pour 100 propositions :

Abdellah Aboulharjan, Souria Adele, Marijo Alie, Salah Amokrane, Clémentine Autain, Najat Azmy, Linda Baha, Bams, Sylviane Balustre d’Erneville, Nicolas Bancel, Pascal Bernard, Pascal Blanchard, Ben Salama, Nicole Bénessiano, Noria Belgherri, Suzanne Bellnoun, Esther Benbassa, Gilles Boëtsch, Pascal Boniface, Jean-Marc Borello, Ahmed Boubeker, Jeanette Bougrab, Nedjma Boutlelis, Olivia Cattan, Nicole Cyprien, Carole Da Silva, Karima Delli, Richard Descoings, Jean-Christophe Desprès, Bilguissa Diallo, Rokhaya Diallo, Nassimah Dindar, Mamadou Diouf, Disiz, Adoum Djibrine-Peterman, Faycal Douhane, Françoise Driss, François Durpaire, Romuald Dzomo Nkongo, Hakim El Karoui, Réjane Ereau, Mercedes Erra, Anne Esambert, Eric Fassin, Bétoule Fekkar-Lambiotte, Lionel Florence, Maud Fontenoy, Yannick Freytag, Armelle Gardien, Alain Gavand, Nacira Guénif-Souilamas, Mohamed Hamidi, Dawari Horsfall, Simon Houriez, Jean-Paul Huchon, Nicolas Hulot, Marc Jolivet, Anne Jaworowicz, Almamy « Mam » Kanouté, Sevgi Karaman, Bariza Khiari, Aminata Konaté, Eléonore de Lacharrière, Bruno Laforestrie,Amirouche Laïdi, George-Pau Langevin, Laurence Lascary, Luc Laventure, Anne Littardi, Naïma M’Faddel, Alain Mabanckou, Fadila Mehal, Laurence Méhaignerie, Nordine Nabili, Ousmane Ndiaye, Pascal Obispo, Alexandra Palt, Carole Reynaud-Paliguot, Valérie Pécresse, Alexis Peskine, Pascal Perri, Christophe Robert, Sonia Rolland, Ryadh Sallem, Marie-Laure Sauty de Chalon, Claudy Siar, Patrick Simon, Guillaume Silvestri, Etienne Smith, El Yamine Soum, Fodé Sylla, Christiane Taubira, Jean-Claude Tchicaya, Séverine Tessier, Benoît Thieulin, Louis-Georges Tin, Claudine Tisserand,Aurélien Tricot,Catherine Tripon,Françoise Vergès, Paul Vergès, Dominique Versini, Michel Wieviorka, Rama Yade.


L'ONU recolonise l'Afrique par Tierno Monénembo

Une tribune publiée par le Journal Le Monde daté du 04 janvier 2011

Pauvre Afrique, hier, on lui imposait ses dictateurs, aujourd'hui, on lui choisit ses "démocrates". Les rappeurs, ces Prévert des nouveaux temps, viennent d'inventer un néologisme qui fait fureur d'un bout à l'autre du continent : la démocrature. Entendez, ce système hybride (le visage de la démocratie, le corps diabolique de la dictature) qui a le don de déchaîner les passions et d'ajouter à la confusion.



Qui a gagné les élections en Côte d'Ivoire, qui les a perdues en Guinée ? Cette question qui a l'air d'embraser l'univers n'a aucun sens dans les faubourgs de Conakry et d'Abidjan où, bon an, mal an, la vie politique n'aura jamais qu'un seul régime, la disette, et une seule loi : "tout ce qui n'est pas obligatoire est interdit", pour reprendre le fameux mot de Léon Campo. Là-bas, on préfère d'expérience les mauvaises élections aux guerres civiles bien réussies. Mieux vaut encore Bokassa et Mobutu que les drames du Liberia ou de la Sierra Leone ! La bête humaine s'habitue à l'enfer du despotisme, certainement pas aux massacres à la rwandaise !

Or, les démons de la violence et de la haine hantent à nouveau la Côte d'Ivoire. Comme en 2000, le pays va se couper en deux, il va brûler comme une paille, plus rien ne peut l'empêcher. La faute à qui ? Au monde entier et d'abord et avant tout à cette fameuse communauté internationale qui n'est jamais mieux dans son rôle que quand elle rallume les incendies qu'elle est censée éteindre.

Formellement, ce "machin" derrière lequel se cachent les grosses griffes des Etats-Unis et de l'Union européenne ne pèse pas plus que le poids d'un arbitre. Son rôle se limite à prévenir les conflits et à proposer une solution négociée lorsque ceux-ci s'avèrent inévitables. Aucune circonstance exceptionnelle ne lui permet de déborder de ce cadre-là. C'est du moins ce que croyaient les néophytes, les sorciers de la diplomatie, eux ne manquant jamais d'arguments pour justifier l'injustifiable.

Disons-le clairement : l'ONU n'a pas à décider qui est élu et qui ne l'est pas à la tête d'un pays (le cas ivoirien compte peu en l'occurrence). Le faisant, elle outrepasse ses droits, ce qui lui arrive de plus en plus. Au point que derrière le langage feutré de ses diplomates, on distingue des bruits de bottes coloniales. A la manière dont Barack Obama, Nicolas Sarkozy ou Ban Ki-moon, traite ce pauvre Laurent Gbagbo, on croit revoir Gosier-d'Oiseau (célèbre personnage du Vieux nègre et la médaille, roman du Camerounais Ferdinand Oyono) transpirer sous son casque en engueulant ses nègres dans une plantation d'Oubangui-Chari.

Nous ne soutenons pas Laurent Gbagbo, nous nous contentons de rappeler un principe. D'ailleurs, le pestiféré d'Abidjan n'a pas besoin de notre soutien : l'arrogance des chancelleries et l'hystérie des médias travaillent pour lui. La diabolisation dont il est l'objet a fini par le rendre sympathique aux yeux de ses pires détracteurs. "A force de jeter une grenouille de plus en plus loin, on finit par la jeter dans une mare", dit un proverbe peul...

Nous ne contestons pas non plus l'élection d'Alassane Ouattara (nous sommes même convaincus que psychologiquement et techniquement, il est mieux outillé que n'importe lequel de ses concurrents pour gouverner). Nous disons simplement que le rôle de la communauté internationale ne revient pas à prendre des positions partisanes et à se répandre en déclarations intempestives encore moins dans une situation aussi explosive que celle de la Côte d'Ivoire. Pourquoi le défi et la menace du canon là où la discrétion, la ruse, la prudence et le tact bref, l'art de la diplomatie, auraient suffi ?

Nous n'allons pas apprendre à des géopoliticiens de métier que la Côte d'Ivoire est la pierre angulaire de la sous-région et que, si elle sombre, elle risque d'entraîner ses voisins, alors que la Guinée tente une périlleuse expérience démocratique et que Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a déjà ses sanctuaires au Burkina Faso et au Mali. La situation paraît d'autant inquiétante qu'il plane sur la région un "non-dit" tribal lourd de menaces pour l'avenir : tout sauf un Dioula au pouvoir à Abidjan ; tout sauf un Peul au pouvoir à Conakry.

La Côte d'Ivoire mérite-t-elle de brûler pour les besoins des statistiques ou pour les beaux yeux de Laurent Gbagbo ou d'Alassane Ouattara ? Non, assurément non !

Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara, où est la différence ? Ils forment le trio maléfique qui a ruiné le pays d'Houphouët-Boigny. A Bédié, le poison de l'ivoirité, à Ouattara, celui de la sécession, à Gbagbo celui de la confiscation du pouvoir. Chacun de ces caïds a montré combien il était prêt à sacrifier sa patrie au profit de son pouvoir personnel. De ce point de vue, ils n'ont rien d'exceptionnel.

La quasi-totalité des chefs d'Etat africains sont au pouvoir à la suite d'un putsch sanglant ou d'une élection truquée. Une loi non écrite permet à chacun de tuer, de voler et de tricher pour arriver au pouvoir. La nouveauté, ce sont les "scrupules" avec lesquels les grands de ce monde regardent cela. Congo, Rwanda, Somalie, jusqu'ici ils ont encouragé les trucages électoraux et les putschs et fermé les yeux sur les pires atrocités au gré de leurs intérêts. Et voilà que ces messieurs sont soudain pris d'un excès d'états d'âme !

Eh bien, s'ils sont devenus aussi vertueux qu'ils le prétendent, pourquoi ne vont-ils pas fouiller dans les cuisines électorales du Burkina, de la Tunisie ou de l'Egypte ? Sont-ils sûrs que les dynasties présidentielles du Gabon et du Togo sont sorties de la vérité des urnes ? Se seraient-ils comportés ainsi s'il s'était agi de l'Iran, de la Birmanie ou de la Chine ?

Ce raffut fait autour de Ouattara est tel qu'il en devient suspect. Que veut sauver la communauté internationale, à la fin : la Côte d'Ivoire ou un de ses protégés ? Ouattara et Gbagbo sont les loups-jumeaux de la politique ivoirienne : même teint, même sourire carnassier, même poids électoral (l'un contrôlant la Commission électorale et l'autre la Cour suprême). Il y a cependant entre eux une différence de taille : le carnet d'adresses. Dans le monde mesquin et corrompu qui est le nôtre, plus besoin de formule magique, ce joujou-là suffit à ouvrir les plus secrets des sésames.

Ancien directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), Ouattara se trouve au coeur du complexe réseau qui gouverne ce monde alors que, modeste professeur d'histoire, Gbagbo, hormis un bref exil à Paris, n'est jamais sorti de chez lui. Ce petit détail-là explique mieux que tout (les longs couplets sur la démocratie par exemple) pourquoi une simple élection africaine a pris une dimension mondiale. Le village global est bel et bien là : la planète des copains et des coquins ! Et ses lois s'appliquent partout aussi bien en Côte d'Ivoire que dans la Guinée voisine où, Alpha Condé, le président "élu" est un ami des présidents africains et un vieil habitué des ministères parisiens.

"Je ne me vois pas échouer cette élection", affirma le nouveau président guinéen au lendemain du premier tour alors qu'il accusait un retard de près de 25 points sur son concurrent. Il ne croyait pas si bien dire : l'élection fut prolongée de cinq mois, le temps sans doute que le "bon" candidat soit prêt avec à la clé, l'incendie de la Commission nationale électorale indépendante, les vols du fichier informatique, le tout suivi d'un véritable nettoyage ethnique. Il n'y eut aucune enquête et ces sourcilleux jurés de la communauté internationale n'y trouvèrent rien à redire. Comme pour confirmer ce que tout le monde savait déjà : pour être élu en Afrique, pas besoin de mouiller la chemise. Avec un peu de chance et quelques copains bien placés à l'ONU, à la Maison Blanche, à l'Elysée ou au Quai d'Orsay, vous êtes sûr de passer même à 18 %.

Tierno Monénembo, écrivain guinéen, Prix Renaudot 2008 pour "Le Roi de Kahel" (Seuil)