Le Doyen Moudoudou : un drôle de constitutionnaliste, rédacteur de la nouvelle constitution de la République du Congo Brazzaville
par Jean-Noël DARDE
Ce dossier a été établi par des plagiés du Doyen Placide Moudoudou – Sylvie Torcol, Maître de conférences (HDR) en droit public à l’Université de Toulon, membre du Conseil national des université (2e section, Droit public), Vincent Foucher, Chargé de recherche au CNRS, analyste principal pour l’Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group, et Cédric Milhat, docteur en droit, membre associé du CERDRADI (Univ. de Bordeaux 4), Directeur juridique territorial – avec l’appui de Jean-Noël Darde, éditeur du blog Archéologie du copier-coller.
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Les citoyens de la République du Congo sont invités le 25 octobre prochain à approuver par référendum une nouvelle constitution. Mais à deux semaines avant ce référendum, le texte n’était toujours pas à la disposition des citoyens [13 octobre : il vient d’être mis en ligne]. À en croire les commentaires de la presse, cette nouvelle constitution permettrait au Président Denis Sassou N’Guesso de se maintenir une dizaine d’années de plus au pouvoir et le mettrait à l’abri de toutes espèces de poursuites, aujourd’hui comme Président et demain, s’il choisissait un jour de quitter le pouvoir, comme ex-Président.
Le décret présidentiel n° 2015-915 du 21 septembre 2015 a désigné Placide Moudoudou, ancien Doyen de la Faculté de droit de l’Université Marien-Ngouabi (Brazzaville), à la présidence de la Commission d’élaboration de cette nouvelle constitution.
Les victimes des plagiats de Placide Moudoudou sont particulièrement à même de questionner ses compétences comme « constitutionnaliste ». En effet, est-ce son ouvrage plagié, “La constitution en Afrique” (préfacé par Koffi Ahadzi-Nonou, président de l’Université de Lomé), qui permet à Placide Moudoudou d’être considéré aujourd’hui comme LE CONSTITUTIONNALISTE incontournable au Congo Brazzaville, alors que pendant longtemps, les “écrits” de ce dernier se sont intéressés au seul droit administratif.
Le doyen Moudoudou est très discret avec ses projets de constitution. Il serait intéressant que ce professeur de droit constitutionnel produise aussi l’intégralité de ses articles dans ce domaine afin de savoir quelle est son autorité en la matière… Et surtout déterminer l’authenticité de ses travaux…
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Docteur en droit, après une thèse de droit administratif soutenue en 1994 à l’Université François Rabelais de Tours, Placide Moudoudou a été promu en 2011 au rang de Professeur agrégé de droit public par le CAMES, le Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (CAMES), émanation de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) où l’Université française est partie prenante.
Le jury du CAMES était composé d’universitaires togolais, ivoiriens, sénégalais et français. Comme le veut la procédure de titularisation, le CAMES s’est à nouveau prononcé, trois ans après cette première nomination, en 2014 donc, pour le titulariser dans ce titre.
Premier professeur agrégé de droit public de la République du Congo et Doyen de la Faculté de droit de 2009 à 2014, Placide Moudoudou s’est construit un avenir de constitutionnaliste. Son principal apport est l’ouvrage déjà cité, paru en 2012 aux éditions de L’Harmattan, un livre qui balaie large :
LA CONSTITUTION EN AFRIQUE, Morceaux choisis…
Malheureusement pour l’agrégé constitutionnaliste, Sylvie Torcol, Maître de conférences à l’Université de Toulon, est tombée sur cet ouvrage et a vite compris que beaucoup de ces « morceaux » avait été « choisis » dans sa thèse, soutenue en 2002 (Les mutations du constitutionnalisme à l’épreuve de la construction européenne) et dans un de ses articles. Qui plus est, il s’agissait, comme on le constate dans l’exemple ci-contre, de simples recopiages, sans le moindre effort pour masquer les emprunts.
Ces nombreux emprunts, dont Sylvie Torcol s’est plainte dès août 2012 auprès des éditions de L’Harmattan, étaient difficilement contestables. Aussi, pour pallier ce qu’il nommait les « insuffisances de citations invoquées par Mme Torcol », Placide Moudoudou, très pragmatique, suggérera dans un courrier adressé à son éditeur de mettre au pilon cette première édition et de procéder à un nouveau tirage de son livre allégé du chapitre 1 – précisément le chapitre, d’une cinquantaine de pages, le plus fourni en morceaux choisis dans la thèse de Sylvie Torcol.
L’éditeur a vite compris que de nouveaux plagiés risquaient de se déclarer et qu’il faudrait alors à nouveau pilonner pour évacuer d’autres chapitres. Il a sagement préféré déclarer l’ouvrage « épuisé », mais a moins sagement continué à en diffuser sur son site Internet la version numérique intégrale au prix de 19,88 euros… jusqu’au 9 octobre 2015.
Les procédés d’emprunts de Placide Moudoudou sont simples. En voici deux : Placide Moudoudou reprend certains des textes de Sylvie Torcol sur les constitutions des pays européens pour les faire passer pour des textes de sa plume sur les constitutions des pays africains (voir l’exemple ci-contre). On peut parler ici d’une technique d’habillage des textes empruntés.
Mais, par ailleurs, dans La Constitution en Afrique et dans d’autres de ses travaux, l’ex-Doyen et constitutionnaliste prend soin de citer scrupuleusement tous ses plagiés et de renvoyer à leur travaux en note de bas de page (même s’il écorche quelquefois leurs noms, prouvant ainsi le peu de cas qu’il fait des auteurs et également sa faible connaissance de la doctrine française). Mais de ces auteurs plagiés, il ne cite entre guillemets qu’une expression, au mieux deux ou trois phrases, après, ou avant, d’en piller une ou plusieurs pages. Il a utilisé ce même procédé dans un article récemment mis en ligne dans une revue de droit renommée.
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Dans la perspective de la réunion du jury du CAMES qui devait se prononcer en 2014 sur la confirmation de l’attribution du titre d’agrégé à Placide Moudoudou, Sylvie Torcol a alerté en novembre 2013 le Secrétariat de cette institution et lui a communiqué l’ensemble du dossier où étaient détaillés les emprunts à ses travaux. Il en allait, comme elle le soulignait « de la crédibilité de la recherche africaine et malgache ». Sa démarche n’a eu aucun effet, Placide Moudoudou a été en 2014 confirmé agrégé.
L’Université française est partie prenante de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et du CAMES, il est dommage que ses représentants n’aient pas usé de leur influence pour aboutir à une décision décente sur ce dossier.
En 2011, alors doyen de la Faculté de droit de l’Université de Brazzaville, Placide Moudoudou concluait ainsi sa leçon inaugurale adressée aux étudiants à l’occasion de la rentrée universitaire : « Éloignez-vous de l’incivisme, de la paresse, de l’indiscipline. Votre action quotidienne doit être : étudier, toujours étudier, encore étudier»…
L’ancien Doyen de la Faculté de droit de l’Université de Brazzaville, aujourd’hui rédacteur de la prochaine constitution de la République du Congo, a-t-il jamais rédigé un seul texte – thèse, article, chapitre de livre – dans le respect de la déontologie universitaire et du droit d’auteur ? Sans paresse et avec civisme ?
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PLACIDE MOUDOUDOU, CONSTITUTIONNALISTE :
MORCEAUX CHOISIS
Chapitre 3, conclusion.
L’ouvrage La constitution en Afrique comporte 4 chapitres. On imagine que les conclusions de chacun de ces chapitres font valoir, comme il est naturel de l’attendre de conclusions, les aspects les plus originaux des recherches et arguments présentés dans ce chapitre. Il n’en est rien. L’originalité manque quelque peu dans ces conclusions. À cet égard les conclusions des chapitres 1 et 3 (voir ci-contre et ci-dessous) atteignent des sommets.
Requiem…
Commençons par la conclusion du chapitre 3 de l’ouvrage du Doyen Placide Moudoudou. Toutes les fractions de textes surlignés en mauve sont des reprises exactes, au mot et à la virgule près, de parties d’un article de Cédric Milhat, Le constitutionnalisme en Afrique Francophone, variations hétérodoxes sur un requiem, publié en 2005. Des recopiages qui ne bénéficient d’aucun des guillemets qui auraient rendu à Cédric Milhat ce qui lui appartient.
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Chapitre 1, conclusion
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La conclusion du chapitre 1 de l’ouvrage de Placide Moudoudou, chapitre 1 déjà évoqué plus haut, emprunte à la thèse de Sylvie Torcol et à un de ses articles.
Comme on le constate ci-contre, cette conclusion doit peu aux recherches et arguments originaux de l’ancien Doyen de la Faculté de droit de l’Université de Brazaville, Placide Moudoudou.
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La revue Pouvoirs, n° 129, mise à contribution
Vincent Foucher, analyste pour l’Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group, ne fait pas sa première expérience de plagié. Ici, c’est sa qualité d’auteur d’un article publié dans le numéro 129 de la Revue Pouvoirs , en 2009, qui lui vaut cet hommage de Placide Moudoudou : Difficiles successions en Afrique subsaharienne : persistance et reconstruction du pouvoir personnel.
Le numéro de la revue Pouvoirs, intitulé « La démocratie en Afrique » réunissait quinze auteurs. Il s’agissait ici, comme le précisait l’introduction de ce numéro de s’intéresser à « La contribution africaine au renouveau du droit constitutionnel contemporain ».
Ce numéro n’a pas échappé au Doyen Placide Moudoudou. En effet, outre à l’article de Vincent Fouchet, P. Moudoudou a fait quelques emprunts à La démocratie en Afrique : succès et résistances, paru dans le même n° 129 et signé par Babacar Guèye, professeur agrégé de droit constitutionnel à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.
Enfin, dans un article récent mis en ligne par une revue juridique, Placide Moudoudou emprunte à l’article de Théodore Holo, L’émergence de la justice constitutionnelle, de ce même numéro 129 de Pouvoirs. Cette revue vient d’en être informée par nos soins. Espérons que cet article plagiaire soit bientôt déréférencé de ce site.
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Les résultats du logiciel Compilatio ouvrent d’autres pistes, notamment celle qui conduit à l’article Une construction régionale pour l’espace CEDEAO : le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO, d’Ismaïla Madior Fall et Alioune Sall, Agrégés des Faculté de droit et Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop (voir ci-contre) et à quelques autres emprunts à Alfred Babo, Stéphane Bolle, Philippe Raynaud, etc. (des emprunts qualifiés mais qui restent de dimension modeste en comparaison de ceux présentés ci-dessus).
L’importance des erreurs et coquilles, notamment dans la retranscription des noms propres, suggère que de nombreuses parties de « La constitution en Afrique » ont été recopiées depuis des sources « papier » et non pas copiées-collées depuis des sources numériques.
Les emprunts déjà reconnus dont nous avons donné quelques exemples, reconnus pour une bonne part à l’aide du logicielCompilatio, ne représentent donc que la partie émergée de l’iceberg des emprunts exploités par Placide Moudoudou pour rédiger « La Constitution en Afrique, morceaux choisis ».
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Source : Blog archéologie du copier-coller.